vendredi 5 juin 2009

Cours Éthique et culture religieuse (ECR) et charte québécoise des droits et libertés de la personne

Et n'oubliez jamais que l'État, c'est quoi?

Ce que nous vivons au Québec est tout le contraire de la séparation de la religion et de l'État. C'est l'ingérence autoritaire de l'État dans les sphères religieuses, spirituelles, philosophiques, morales (les valeurs) et autres de même nature; jusque dans les concepts, cosmologies et cosmogonies! 


En optant pour une reformulation de l'article 41 de la Charte québécoise des droits et liberté de la personne, plutôt que pour son abolition pure et simple, l'État québécois ne se contente pas de soulager les établissements d'enseignement public de leur ancienne obligation de pourvoir un enseignement satisfaisant aux multiples convictions des parents d'une société dite "pluraliste". (...) Il a profité de la réouverture de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pour s'insérer comme LA véritable autorité morale et spirituelle sur les enfants. Voilà.

Historique préparatoire à l'ECR


Selon l'énoncé datant de 1982, de l'article 41 de la Charte québécoise des droits et liberté de la personne, voici le droit qui était prévu :

«Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi».

Donc, enseignement catholique, protestant ou moral. Ce qui dépasse l'entendement n'est pas l'abolition de ce dernier article, mais AU CONTRAIRE, le fait qu'il ait été plutôt dévié et conservé.

L'article 41 de la charte, modifié par la Loi 95 en juin 2005, l'article se lit maintenant comme suit:

« Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions, dans le respect des droits de leurs enfants et de l'intérêt de ceux-ci »
À première vu, en lecture rapide, il ne semble pas y avoir de problème. Cela ressemble à un simple droit des parents, garanti en dehors de l'école. Mais en matière de droit, la moindre virgule vient changer le sens d'un texte.

Remarques concernant cette nouvelle mouture du texte : «dans le respect des droits de leurs enfants et de l'intérêt de ceux-ci»


 Pourquoi mettre ceci dans l'article 41 : «...dans le respect des droits de leurs enfants et de l'intérêt de ceux-ci»?

1) «...dans le respect des droits de leurs enfants
Tout en société de droit démocratique comme le Canada et le Québec doit se faire dans le respect des droits des autres. L'implication serait que la charte se conformera à des articles de lois qui ne sont pas encore. C'est assez bizarre...

2) «...dans le respect (...) et de l'intérêt de ceux-ci»
D'autre part, le respect de l'intérêt des enfants, «l'intérêt de ceux-ci»,  ouvre la porte à une ingérence de l'État sur le contenu des valeurs enseignées aux enfants à la maison, au lieu de culte, et payé par l'argent privé des parents et de leur communauté. Donc, l'interprétation serait que l'État se réserve un droit de juger et de statuer sur le contenu de l'enseignement religieux et moral (l'éthique, les valeurs) enseignées en dehors de l'école publique. Ce n'est pas rien! Cela semble non-conforme à ce qui est garanti dans la constitution canadienne. Une avocate de la Clé a qualifié ceci en ces termes : «C'est du droit nouveau; on n'a jamais vu ça».

En remplacement, il est est maintenant question pour les parents et ceux qui en tiennent lieu, d'un droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants; donc y pourvoir par leurs propres moyens et ceux de leur communauté ou leur réseau social, mais avec un droit de validation des enseignements par l'État.

Le retrait de l'ancienne obligation d'enseignement religieux reposant sur les établissements d'enseignement, mais curieusement tout en maintenant l'article 41 sous une forme et un but différent soulève l'intention probable d'un champ d'application du nouvel article 41 jusque dans l'école privée, les lieux de culte et même le foyer (la vie privée dans sa plus grande intimité) puisque ce sont les seuls espaces (lieu de culte, foyer, communauté hors de l'école) qui restent aux parents dans le droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants.

Une ingérence de l'État québécois dans les valeurs morales et spirituelles transmises aux enfants semble donc prévue par la loi. (...)

Plus encore, le droit du parent ou tenant-lieu d'assurer cette transmission serait en fait un droit, mais presqu'en apparence seulement, comme une coquille vide. Parce que l'État apparaît ainsi comme l'entité supérieure qui détermine ce qui est de l'intérêt de l'enfant. Comme parent ou responsable des enfants, le parent vivant au Québec ne serait donc plus la première autorité morale et spirituelle naturelle de ses enfants d'âge mineur (moins de 18 ans).

«Mais où est le problème, peut-on penser, si le gouvernement veut ainsi se garder une porte pour protéger les enfants contre d'éventuels abus?»

La réponse est simple:

Quelle entité déterminera, en vertu de l'article 41 modifié, ce qui est «de l'intérêt de l'enfant» en matière de foi, de religion, de spiritualité, de convictions, de valeurs, de morale, d'éthique, de philosophie de vie; bref, d'opinion ? 


L'État, évidemment ou ses représentants (ex. la DPJ; le MELS, et autres). Est-ce que le parent québécois veut vraiment que l'État décide ou décrète ce qui est de l'intérêt de son/ses enfant(s) ou des enfants de ses enfants pour les prochaines décennies en matière de valeurs morales; de sexualité (ce qui peut être pratiqué) à la pré-adolescence et à l'adolescence, sur les questions comme la consommation des drogues, de la spiritualité permise ou proscrite, et le reste ?

Avant de répondre que oui, l'État peut décider des valeurs à adopter, je vous suggère cette lecture:


Guide sexuel et relations à 9 ans : non aux zozos du zizi gouverne-Mentaux


Les médias ont aussi parlé des questionnaires dans le cadre du programme, où pour le genre, il y a une case autre que garçon ou fille pour l'identité sexuelle de l'enfant (autre, je ne sais pas).


Ingérence de l'État dans la religion, la spiritualité... la philosophie


La formulation «de l'intérêt de l'enfant» constitue un genre de pouvoir discrétionnaire pour les officiers représentant l'État et ouvre la porte à l'arbitraire et aux préférences des représentants de l'État.

Si un représentant de la DPJ ou du Ministère de la justice juge suite à une mauvaise presse, qu'il n'aime pas un groupe religieux et que l'opinion populaire va dans le même sens, il pourra contourner le droit de l'enfant et des parents sans être inquiété en recourant à ce petit appendice légal.

Imaginons par exemple, dans quelques années (vers 2020) un gouvernement élu démocratiquement, de tendance majoritairement athée. Arrive un scandale avec un groupe religieux (il y en aura assurément, comme aussi avec les groupes non religieux) et une pression populaire pour resserrer les libertés de tels groupes. Le gouvernement élu démocratiquement et de tendance athée, pourrait ordonner le retrait de tous les enfants de la participation aux cultes ou assemblées de ladite religion, même si les cas d'abus ne visaient que quelques individus. Et il pourrait le faire légalement et sans être inquiété
1) en s'appuyant sur ce pouvoir discrétionnaire de l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne,
2) sur l'appui de la majorité de la population et des médias (quoique non nécessaire si l'État le décide en vertu de la nouvelle charte et des modifications dans les lois) et
3) de ce fait, de l'appui plus que probables des juges qui depuis quelques années déjà, ont une interprétation plus libérale des lois pour tenir compte non seulement des textes de loi, mais aussi des changements d'opinions des citoyens, en émettant leurs jugements.

Sur la présumée protection contre les abus par les chartes des droits ...


Si des parents vivant dans le système du Québec pensent être protégés des abus par des chartes de droits "immuables" ou inchangeables, qu'ils y réfléchissent. Il n'a fallu que très peu de temps et d'efforts pour changer la Charte québécoise des droits et liberté de la personne.  Il sera donc tout aussi facile de le faire dans le futur pour une nouvelle politique sociale décidée par une élite au pouvoir; peut-être même plus facile encore, car il y a maintenant un précédent: le changement introduit en 2005 en vue de l'implantation de l'ECR.

L'intention avouée dans les requêtes de changement de la charte a pourtant toujours été l'impossibilité pour l'État de pouvoir maintenir un enseignement religieux personnalisé satisfaisant toutes les sensibilités, tout en conservant les droits historiques des catholiques et protestants. Mais dans les faits, par la nouvelle mouture de l'article 41 plutôt que son abolition pure et simple, l'État ne s'est pas contenté de se désengager de l'enseignement religieux catholique et protestant dans les institutions d'enseignement publiques. Il a profité de la réouverture de la charte pour s'insérer comme LA véritable autorité morale et spirituelle sur les enfants. Voilà.

Pourtant, l'établissement de l'État comme nouvelle autorité sur les enfants d'âge mineur, n'est pas ce qui a été promu et véhiculé par les communiqués publics et les médias depuis la fin des années 1990. Les parents ou responsables des enfants se retrouvent malgré tout, devant une version différente de celle qui pouvait paraître défendable.

Résultat : l'État se constituerait donc lui-même (auto-proclamé) comme une autorité religieuse et morale (fusion de l'autorité politique, spirituelle, religieuse et philosophique) sur des enfants d'âge mineur, alors que les parents ou les personnes qui en tiennent lieu seraient relégués à une position d'autorité secondaire et de pourvoyeurs.



L'Exercice en cours au Québec n'est donc PAS la séparation de l'État et de la religion


L'Exercice en cours au Québec n'est donc PAS la séparation de l'État et de la religion; ça c'est le discours simpliste retenu par les médias francophones du Québec. Nous entrons dans l'ère de l'intrusion de l'État dans la sphère religieuse et morale, soit jusque dans la vie familiale et la communauté. Ceci expliquerait pourquoi le cours d'Éthique et culture religieuse (ECR) met tellement d'emphase sur le fait que les jeunes doivent échanger sur leurs convictions (convictions des enfants dès les trois cycles du primaire !?!; soit dès l'âge de 6 ans!) et exposer devant tous, ce qui est transmis et enseigné dans l'environnement qu'ils connaissent (donc inévitablement la maison et les autres lieux de transmission).

Avec l'ECR, la classe devient au pire:

- une "webcam" (déformée par la compréhension souvent partielle ou inadéquate des enfants - compréhension enfantine)
- ou si l'on veut, un agent virtuel (présent mais non visible) de l'État dans votre maison, votre église, votre école du dimanche ou sunday school (pour les traditions protestantes), votre groupe de catéchèse (catholicisme transmis maintenant hors de l'école), votre temple, votre synagogue, ou tout autre lieu de transmission des valeurs spirituelles ou éthiques.
- et facilement, un outil (un cheval de Troie) de propagande ou d'intégration sociale des politiques de l'État;
- une porte pour la ré-ingénierie sociale d'une génération après l'autre, pour conditionner et uniformiser la pensée des électeurs de demain).

Et n'oubliez jamais que l'État, c'est quoi? Ce n'est en fait qu'une entité au pouvoir, composée d'une sélection extrêmement réduite des membres d'une société. Quand on dit que l'État peut décider ce qui est bon et ce qui est vrai, on veut dire quelques dizaines de personnes.


Ou encore, avec l'ECR,  la classe devient au mieux:

- un laboratoire d'essai-erreur des théories sociales de l'élite

Et entre nous, est-ce bien le rôle des institutions d'enseignement publiques et privées de pourvoir à l'implantation des politiques de l'État (agir en tant qu'agents des politiques du Parti)? 


Évidemment non. L'École doit demeurer indépendante des partis qui se succèdent parfois rapidement au pouvoir.

Conclusion

Ceux qui ont modifié ainsi les textes de l'article 41 de la Charte étaient conscients de cette portée du texte donnant primauté à l'État sur les parents. Mais il n'est pas aussi certain que les élus des deux Gouvernements (Québec et fédéral) en étaient aussi bien saisis, ou même qu'ils auraient approuvé cette perspective d'ingérence de l'État dans les spiritualités et les visions du monde. De même, pour les parents qui se voient relégués au rôle de pourvoyeurs matériels des enfants d'âge mineur (payer le gite, le vêtement et la nourriture pendant que l'État s'occupe de leur esprit et de leurs valeurs). Si le peuple ne fait rien dans ce débat, il y a de gros nuages à l'horizon pour les droits de nos enfants et de leurs enfants. Car cela ressemble étrangement aux premiers fruits (projets pilotes régionaux?) de la gestion, par les États, de la liberté de conscience dans un nouveau paradigme politique et social en progression.

Dernières modifications :  8 décembre 2011; 11 décembre 2010;  5 juin 2009