jeudi 21 août 2014

Sauveuse de canards sur autoroute: les fautes de jugement causant décès sont-elles en voie de banalisation ?

21 AOÛT 2014. La jeune femme qui voulait sauver des canards sur une autoroute du Québec et dont le geste a causé la mort de deux personnes sur une moto, le 27 juin 2010, pourra interjeter appel de son jugement de culpabilité. Elle a été reconnue coupable en juin de négligence criminelle causant la mort et de conduite dangereuse causant la mort.

Selon les témoins, Emma CZORNOBAJ avait immobilisé son véhicule sur une voie de circulation de l'autoroute 30 et en était descendue pour protéger des canetons. Son véhicule immobilisé sans conducteur a été heurté par une motocyclette dont le conducteur de 50 ans et la passagère de 16 ans ont perdu la vie, sous les yeux de la femme du couple et mère de la fille qui suivait sur une autre moto. Récemment, après avoir été reconnue coupable pour négligence criminelle et pour conduite dangereuse ayant causé la mort, Madame CZORNOBAJ avait fait une sortie médiatique le 16 juillet 2014 prétendant que c'était un accident, comme il peut en arriver un à chacun de nous. Sauf qu'elle avait immobilisé son véhicule sur l'autoroute et en était descendue. C'est là tout le problème et le manque de jugement qui questionne jusqu'à son aptitude à conduire une automobile sur une autoroute.

Il restait à ce que sa peine soit déterminée après procès devant jury. La requête d'appel accordée par la Cour d'appel du Québec (1), la défense allègue qu'il n'y a pas eu intention de causer la mort et que le jugement de juin 2014 est donc pipé par le cadre juridique et les directives du juge aux jurés. L'avocat de la défense demande rien de moins que de revoir (mieux définir?) la notion de négligence criminelle dans le droit (1).

Pourtant, bien qu'il n'y ait pas intention directe de causer la mort, l'on ne saurait justifier l'acte ou le non-acte à mon avis de citoyen (informé). C'est justement pour cela, que l'on parle ici de négligence criminelle et de conduite dangereuse ayant causé la mort

Cet appel constitue une démarche de déresponsabilisation propre à l'époque
  • Imaginez un conducteur qui roule en hiver sur la neige avec ses pneus d'été, qui frappe un piéton et le tue. Son excuse: «Je reconnais que j'ai été négligent, mais je n'avais pas d'intention de tuer ou blesser; cela pourrait arriver à n'importe qui, un accident». Sous-entendu: «vous devez déduire que je ne dois pas avoir de conséquences pour négligence criminelle».  
  • Imaginez un hôtel en rénovations avec une porte au deuxième étage sans escalier. Un client ouvre cette porte la nuit et trouve la mort après une chute de 3 mètres sur le béton. Constat: porte non verrouillée, pas de signalisation, pas de système de retenue. L'hôtelier et l'entrepreneur ne pourraient pas prétendre au simple «accident» comme il peut en arriver «dans tout hôtel». C'est une négligence grave.
  • Imaginez un conducteur qui dépasse la limite de vitesse permise sur une autoroute du Québec, roulant à 180 km/h au lieu de 100, et causant la mort, et qui ensuite défendrait qu'il n'a jamais eu d'intention criminelle; il ne faisait que prendre plaisir à rouler vite et reconnaîtrait avoir manqué de jugement. 
  • Imaginez un homme ivre au volant (prévu au code criminel) qui heurte une fillette sur le terrain de sa résidence et la tue. Il déclare après son procès: «Je ne voulais que m'amuser avec mes amis; je n'ai jamais voulu causer la mort d'une enfant qui jouait sur le terrain de sa résidence familiale (entendre: les conducteurs ivres ne veulent jamais tuer quelqu'un, ce n'est toujours qu'un accident)».
Il ne faut pas que la protection des citoyens s'effondre en faveur de quelques candidats à la fuite des responsabilités, d'autant plus que le juge du procès de juin, a pouvoir de déterminer la sévérité de sentence. Voir autre article à ce sujet. Il n'est pas obligé d'envoyer la sauveuse de canards au bagne pour 10 ans. Nous assistons à une démarche de déresponsabilisation propre à l'époque. N'allez pas croire naïvement que le droit évoluera toujours dans le bon sens.


Délais incroyables pour la justice au Québec

Ce qui étonne dans tout cela, c'est le délai pour un procès au Québec. Supposons que l'on veuille suspendre le permis de la fautive et l'obliger à suivre un cours de conduite et à refaire depuis le début, les étapes pour l'obtention de son permis... Ça fait plus de 4 ans que le triste événement est arrivé. Encore une fois, notre social-démocratie ne livre pas.
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1.  Machaël NGUYEN (Agence QMI). Celle qui voulait sauver les canards pourra interjeter appel. Journal de Québec, jeudi 21 août 2014, p. 49