mardi 3 août 2010

Le débat sur l'avortement reste entièrement à faire


Et si la pauvreté était devenu un critère pour décider du droit de la vie humaine... Selon un nouveau sondage canadien Angus-Reid, 38 % des Québécois, soit près de 2 sur 5, seraient prêts à rouvrir le débat sur l'avortement. De plus, le financement inconditionnel aurait tout intérêt à être révisé : «Une proportion de 49% des Québécois estiment que le système public devrait payer pour tous les avortements. Dans l'ensemble du Canada, l'appui baisse à 44%» (1). Inversement, cela signifie qu'environ un québécois sur deux serait en faveur d'un resserrement des règles de financement de l'avortement.

Le sang de ces victimes sans voix crie pour 
la justice.
Il faut dire que la plupart des Québécois croyaient jusqu'aux printemps 2010, que les avortements légaux et subventionnés n'étaient pas pratiqués au-delà des trois premiers mois de la grossesse. De plus, les avortements, tous subventionnés au Québec (au public et au privé), sont pratiqués pour diverses raisons sans lien avec le débat des années 1980,
- y compris pour de simples critères économiques (revenu estimé insuffisant)
- et de planification de carrière (choix du meilleur moment, mauvais timing)
- ou le simple mais très fréquent non-usage de moyens de contraception.

Un petit topo pour les plus jeunes

Or, ceux qui étaient des débats des années 1980, se souviendront que les arguments mis de l'avant étaient les risques pour la vie ou la santé de la mère ou les cas extrêmes comme le viol avec grossesse. Il était question d'avortement "thérapeutique" et encadré. Or ce pacte social qui incluait une loi qui encadrait l'avortement n'a jamais été respecté. Il a pourtant servi à faire accepter les concessions et à libéraliser, voire même généraliser l'accès à l'avortement sans restriction. Les jeunes porteurs et porteuses de bannières pro-avortement des derniers mois ont donc tort de dire que le débat a déjà été fait. Et lisez ce qui suit pour voir l'issue anti-démocratique qui a suivi le jugement de la Cour Suprême de 1988.

Un peu d'histoire

L'avortement sur demande sous sa forme actuelle avec financement inconditionnel par le régime de santé publique ne correspond en rien au jugement de la Cour Suprême du Canada, ayant donné gain de cause au Dr Henry Morgentaler. Le jugement ne pouvait être interprété dans le sens d'un droit à l'avortement. Les juges l'ont mentionné. Ils ne faisaient qu'invalider l'article 251 du Code criminel du Canada, pour des motifs de procédure, pour la simple raison que ce dernier n'était pas appliqué uniformément sur l'ensemble du territoire canadien et dans l'ensemble des cliniques et hôpitaux.

L'année suivante, en 1989, le Gouvernement a proposé une loi pour encadrer l'avortement. Celle-ci a été adoptée par les élus fédéraux, en accord avec le compromis des citoyens pour un avortement encadré par une loi. Mais la loi a finalement été rejetée par une égalité des voix au Sénat cet été-là (1989); d'où l'actuel vide juridique qui fait que l'avortement n'est l'objet d'aucune restriction, sauf clinique ou économique (normes du bloc opératoire et des coûts remboursés). C'est donc un vide juridique (un non-interdit) et non une loi encadrant l'avortement que nous avons depuis le jugement de 1988. Comme si l'humain n'était qu'un objet, au même titre qu'un minéral.

En 1989, le Sénat est donc allé à la fois
- Contre l'opinion des citoyens; un compromis pour l'avortement à certaines conditions précises comme les risques pour la vie et la santé de la mère ou avortement dit "thérapeutique", bien que ce soit un néologisme très discutable. La grossesse n'étant pas une maladie, le terme de thérapie (thérapeutique) pour décrire un avortement était certainement abusif.
- Contre l'avis de la Cour Suprême du Canada, dans le jugement en faveur du Dr Henry Morgentaler, à l'effet que le gouvernement canadien avait pleinement le droit de légiférer pour encadrer l'avortement, et qu'un droit à l'avortement n'existait pas en vertu de la constitution canadienne. Les jeunes porteurs et porteuses de bannières pro-avortement des derniers mois ont donc aussi tort de prétendre à un droit à l'avortement.
- Et contre les élus du Gouvernement Fédéral (élus par le peuple). Le Gouvernement avait fait franchir toutes les étapes au projet de loi jusqu'à la dernière lecture au Sénat.
Ce rejet historique par le Sénat ne signifie rien de moins qu'une décision partisane (politique) de certains de ses membres, à l'encontre du processus démocratique et juridique (avis de la Cour Suprême en 1988 de pouvoir légiférer, volonté des citoyens et volonté de la majorité des députés et ministres canadiens).

En effet, les sénateurs ont renversé un processus démocratique et législatif et sans tenir compte du jugement de la Cour Suprême confirmant le droit du Gouvernement de légiférer pour encadrer l'avortement. Ils n'ont pas respecté le pacte social de l'encadrement juridique précis, la condition négociée avec l'opinion populaire, pour un appui élargi à l'avortement. Donc, ceux qui disent que le débat a été réglé en 1988, ont été mal informés durant.... plus de deux décennies.

La science et la médecine évoluent

D'autre part, la médecine et la connaissance du développement de l'enfant à naître ont progressé au cours des 20 à 25 dernières années, de sorte qu'il est permis, ne serait-ce que pour cette unique raison, de reconsidérer la décision à la lueur de nouvelles données et capacités médicales (ex. le code génétique confirme l'existence d'un être distinct de la mère, dès la conception; ex. l'accompagnement médical des bébés prématurés).

Qui défraie les coûts des avortements au Québec ?

Je ne vous apprend pas une nouvelle en vous disant que ce n'est pas l'État, ni le système public de santé qui financent les avortements sur demande, sans égard à la cause et sans égard au revenu de la demanderesse, et ce au public et au privé, mais vos taxes et vos impôts. Cela, nous avons tendance à l'oublier.

Près de 30,000 avortements par année au Québec

Au Québec, dans un contexte de dénatalité et de vieillissement de la population, ce sont près de 30,000 avortements qui sont pratiqués pour des raisons qui n'ont la plupart du temps aucun lien avec la santé de la mère, ni avec une grossesse provoquée par une agression sexuelle. Et si la pauvreté était devenu un critère pour décider du droit de la vie humaine, alors la guerre à la pauvreté signifierait... tuer des pauvres?! Le sang de ces victimes sans voix crie pour la justice.

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1.  JOURNET, Paul. AVORTEMENT : Près de deux Québécois sur cinq veulent rouvrir le débat. Le Soleil / La Presse, Mardi le 3 août 2010.