lundi 17 janvier 2011

Haïti vers un retour du régime Duvalier : cela n'est pas impossible

Lorsque j'ai parcouru Haïti avec un groupe de volontaires durant 2 semaines, Duvalier fils (alias, Bébé Doc) était encore au pouvoir, en tant que président à vie, selon la constitution modifiée. Sur une route nationale, nous pouvions voir une bannière la surplombant, nous enjoignant de ne pas nous mêler des affaires politiques du pays.


En Haïti, nous étions bien avertis par nos guides, que les "tontons macoutes" infiltrés un peu partout, pouvaient se cacher derrière plusieurs individus. En 1986, c'était la chute du régime et l'exil de Jean-Claude Duvalier en France. Sûrement un exil négocié avec notamment les Américains, si l'on se base sur la manière dont cela s'est déroulé, soit l'absence de poursuites (Pensez au contraste avec l'ex-dictateur Augusto Pinochet au Chili) et la destination. Et voilà que le 16 janvier 2011, le président déchu se pointe à Port-Au-Prince la capitale, prenant de court tout le monde.

Il y a 25 ans, le président déchu, Jean-Claude Duvalier (Duvalier fils) a été renversé et à dû s'exiler, suite à des pressions énormes, internes et externes. Malheureusement, 25 ans après la chute du régime Duvalier, et même après des élections démocratiques, Haïti est encore souffrante et instable et cela était, même avant le grand tremblement de terre de janvier 2010 (24 ans après le départ!). Une année après le tremblement de terre, le pays est évidemment dans le chaos. Que faire?

Pour sortir du chaos : sortir de la méthode du fonctionnariat pour la gestion de la crise

Il faudrait une cellule de gestion de crise centralisé avec les pouvoirs décisionnels d'urgence (et non des comités de concepts et de bla bla)  mais les choses ne vont pas dans cette direction. Voir le lien proposé ci-dessous.

La raison du retour de Duvalier

Puis soudain, on apprend aujourd'hui, que Duvalier remet les pieds en sa terre d'origine après son long exil. Sa prétention : aider son peuple. C'est peut-être là le problème; la définition à donner aux mots, SON et MON peuple. Car, à l'époque, le peuple lui appartenait en propre.

Quelles sont ses intentions, après 25 années d'exil en... France? Peut-être veut-il vérifier s'il a encore une représentativité au sein des Haïtiens. Peut-être veut-il voir s'il a un potentiel pour être électif. En fait, cela ne serait pas impossible, si on le laisse se refaire un nid en Haïti. Je m'explique.

1) Malgré la dictature Duvalier, le peuple vivait une certaine stabilité.

On pourrait comparer ceci à l'ancien Empire Romain, qui devint à la fois une démocratie partielle (avec sénat, mais sans vote populaire), totalitaire et répressive; sanguinaire si nécessaire. Mais les historiens savent que la main de Rome, amenait en parallèle à la main de fer, à une certaine époque, dans le bassin Méditérannéen, une stabilité politique et économique, meilleure que ce qu'aurait été une guerre totale. C'est ce que les historiens appelle la Paix Romaine (Pax Romana).

Duvalier aspirerait à un accès aux élections.

2) Si un quart de siècle d'exil du dictateur avant le séisme de 2010 n'a pas permis de restaurer une démocratie efficace, ni de relever le pays, il est clair que Duvalier pourrait trouver des échos favorables.

Il faut comprendre : choisiriez-vous une dictature qui instaure stabilité, ou une démocratie malade et chaotique qui ne s'est pas épurée de la corruption de la tête à la queue? Je ne dis pas que je le souhaite.

Je dis qu'il n'est pas inconcevable que la population fasse une telle équation.

Mais il ne faut pas oublier que les années Duvalier, c'est aussi la fuite de l'élite (les professionnels), la diaspora haïtienne. C'est probablement ce qui a disloqué Haïti, la dépossédant de ses leaders.

3) Mais peut-être qu'il veut tout simplement revenir au pays qui l'a vu naître. Ce serait un peu surprenant pour cet homme de pouvoir imposé...

Ce qui inquiète dans le contexte immédiat, c'est qu'avec la fortune qu'on lui suppose, son expérience du pouvoir, une certaine nostalgie de la relative stabilité du régime Duvalier et un certain appui qu'il a certainement encore, le président déchu,  pourrait être en mesure de se relever, et en position d'acheter des votes, des manifestations pro-Duvalier (manifestants rémunérés) ou pire encore d'être réélu et de se monter une milice modérée et des services secrets basés sur la délation.

Danger d'instabilité

Haïti avait-elle besoin de cette ambiguïté politique à ce moment-ci?  Les absents ont tort (s'ils veulent aspirer à diriger) et c'est ce que l'homme pourrait bien avoir compris. Le grand séisme a changé beaucoup de choses. Comme une femme qui reprend le mari alcoolique qui la battait, Haïti pourrait être sensible aux promesses telles que: «J'ai changé et j'ai compris que je t'aime!» (Surtout quand l'aide étrangère annonce des milliards de dollars, je t'aime encore plus ma Haïti).

Autre article sur Haïti :

Haïti toujours sous les décombres : comment agir?