lundi 24 octobre 2011

Construction : la Commission enlèvera ses prothèses dentaires au rapport

Quelques faits sur le décret qui crée la  Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction.  Si la Commission a des prothèses dentaires, elle devra néanmoins retirer ses dents au moment de produire ses rapports.

Le décret 1029-2011 reconnaît :
  • le rôle joué par l'Unité anticollusion du ministère des Transports (du Québec) dont le rapport a été rendu public le 14 septembre 2011, et concède «de possibles activités de collusion et de corruption»;
  • «QU'il y a lieu de faire la lumière sur de possibles stratagèmes ainsi que sur une possible infiltration de l'industrie de la construction par le crime organisé»;
  • «de possibles stratagèmes dans la gestion et l'octroi de contrats publics dans l'industrie de la construction, incluant des liens possibles avec le financement des partis politiques, et ce, pour les quinze dernières années».

Il est intéressant de noter que le PLQ n'a pas oublié d'attacher le Parti Québécois (PQ) avec un mandat suffisamment étalé dans le temps, pour toucher les années de pouvoir du parti d'opposition officiel. Le PQ devra bien se tenir s'il ne veut pas trop d'éclaboussures. Les amis libéraux vont ressortir des scandales inconnus du public et des médias et visant le PQ, c'est certain.

Autre fait intéressant, la Commission
  • sera formée de 3 commissaires, dont un juge agissant comme président.

C'est une bonne nouvelle que la présidente et première commissaire actuelle, l'Honorable France Charbonneau, ne soit pas seule autorité avec un pareil mandat. C'est aussi la présidente qui choisit ses assistants.


  • Son rapport final devra être déposé au plus tard le 19 octobre 2013, soit exactement 2 ans après l'émission du premier décret 1029-2011.

Le sable d'enrobage a donc déjà commencé à s'écouler dans le sablier des échéanciers de la Commission.

Mais voici LA clause de protection sur la forme du rapport. Il est ordonné, sur la recommandation du Premier ministre (du Québec)

  • «QUE les rapports de la Commission ne comportent aucun blâme et ne formulent aucune conclusion ou recommandation à l'égard de la responsabilité civile, pénale ou criminelle de personnes ou d'organisations


Autrement dit, dans ses rapports final et d'étapes, la Commission ne pourrait identifier des coupables ou personnes à investiguer Il ne sera possible de le faire, ni de façon spécifique, comme des noms de personne (ça on le savait), mais non plus de façon plus générale, en nommant un groupe, ex. une association syndicale. Elle ne pourrait pas dire par exemple que
-  des cadres du ministère des Transports du Québec,
-  tel syndicat,
-  tel politicien,
-  tel parti politique,
-  et ainsi de suite,
ont à porter un blâme (un certain degré de responsabilité) ou à être enquêtés plus à fond. Car la restriction applicables à ses rapports exclut même des recommandations visant des organisations.

Que les policiers en prennent bonne note dans leurs enquêtes

Par exemple, un rapport ne pourra conclure que tel syndicat ou tel consultant a violé ou contourné la loi ou que des cadres du ministère des transports sont impliqués dans une fraude. Bien sûr, seront entendues des choses en public ou à huis clos lors des auditions de témoins et d'experts par la Commission, mais le tout restera en final, au niveau d'allégations entièrement à prouver et de généralités. Bref, cela ressemblera beaucoup à un travail philosophique.

Bref, si la Commission a des prothèses dentaires qui lui confèrent une certaine utilité, elle devra néanmoins retirer ses dents au moment de ses rapports d'étapes et final. Et même d'éventuelles fuites de ses investigations n'auront aucune valeur légale. C'est chose certaine.

À LIRE À LIRE (revirement inattendu du 10 novembre 2011)  :

Commission d'enquête et construction publique : Le PLQ cède

Commission d'enquête du PLQ et fait journalistique

Fait journalistique, significatif ou non, au lecteur de juger
24 OCTOBRE 2011
Est-ce par manque de personnel durant le weekend. Toujours est-il ce fait notable: alors que les déboires de la commission qui naît avec douleur et déchirement au sortir de la matrice libérale constituent le sujet du jour, que dire! Le sujet de la décennie en matière de politique provinciale, le journal Le Soleil d'hier, dimanche 23 octobre 2011, semblait peu concerné. Aucun article sur les déboires de la commission en page 2 ou 3; rien avant la 4 ! Et rien en page couverture. En lieu et place, aux pages 2 et 3 du quotidien de Québec, les orientations du transport à la Ville de Québec. Si c'est un manque de personnel, il faudrait y remédier. Car comme dit la campagne de pub du quotidien : «Et ce qu'on pense, ça vient d'où?». Certains clients trouvaient peu à penser sur le débat de l'heure dans ses colonnes, hier.

La commission du petit cochon huilé

La Commission d'enquête1 sur la corruption n'a pas encore la tête sortie de la matrice du PLQ et elle a connu de nouveaux rebondissements dans la salle d'accouchement politique en fin de semaine avec le congrès libéral tenu à Québec. Décision annoncée mercredi de ne pas contraindre les témoins, et contre-décision vendredi, de contraindre les témoins, si la commissaire, l'Honorable France Charbonneau, le juge nécessaire... Mais une telle requête de contraindre un témoin, devra obtenir l'aval préalable du Premier ministre (PM) Libéral, au cas par cas ou un témoin à la fois. Ouf! Voilà une naissance difficile pour cette commission.


Le PM a dû faire un peu de limbo sous le Barreau du Québec en fin de semaine. Une commission "sur invitation" sans aucun pouvoir de contrainte, c'était rire des contribuables québécois, du droit et de la justice. Il a donc augmenté légèrement le degré de difficulté des témoins de la commission sur la corruption dans la construction et aussi pour le parti Libéral du Québec (PLQ). La commissaire pourra contraindre les témoins, avec l'accord du parti par qui le scandale arrive... Malgré tout, certains témoins risquent d'être aussi difficiles à attraper que le petit cochon huilé de ces courses comiques des anciennes foires.

Sagesse politique (dans le contexte)

Parmi les textes démontrant une sagesse sous forme très synthétisée sur ce qui a été dit sur cette commission, se trouve certainement ce qu'a résumé en ces termes, le chroniqueur Jean-Luc Mongrain, dans le Journal de Québec / Journal de Montréal et titré Le singe sur les épaules :

«La balle est maintenant dans le camp de la commissaire Charbonneau. C'est elle qui devra ou non demander au gouvernement le pouvoir de contraindre. Si elle le fait, elle aura un appui de taille, celui de la population. Sinon, elle risque d'être qualifiée de simple courroie de transmission du gouvernement, un peu comme l'a été le juge Bastarache. Le piège, avec un mandat comme celui-là, c'est que quelles que soient la longueur et la qualité de son C.V., la commissaire porte aujourd'hui le poids de l'opinion publique en lieu et place du premier ministre»2.


Comment ne pas être d'accord avec cette lecture des faits? Encore une fois, cela confirme la grande habileté politique du PM du Québec de sortir indemne de toutes les invraisemblances possibles ou inimaginables.

Autre déclaration plus que sensée, dans le contexte, cet extrait d'un communiqué du député Stéphane Bergeron:

« La juge Charbonneau n’a pas à se mettre à genoux devant le premier ministre pour demander une modification du décret, cette responsabilité incombe à Jean Charest. S’il est sérieux, il modifiera, dès mercredi prochain, le décret du Conseil des ministres pour donner à la juge France Charbonneau le pouvoir de contraindre des témoins. Il faut suivre la Loi sur les commissions d’enquête ». C’est ce qu’a déclaré le député de Verchères et porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique, Stéphane Bergeron, réagissant à la déclaration du chef libéral faite hier dans le cadre du congrès des membres du Parti libéral du Québec.3

Une créature étrange

En décrétant cette commission majeure
  • sans prendre appui sur une loi,
  • en ne donnant pas de contrainte à témoigner mais un pouvoir qui ressemble à une approche discrétionnaire,
le PLQ engendre une créature ou bête politiquement et judiciairement "transgénique" et bizarre. On n'est plus dans le domaine du connu, mais plutôt de la R&D (recherche et développement) politico-judiciaire, que même des spécialistes qualifient de "droit nouveau". Cette sorte de "nowhere land" juridique peut logiquement ouvrir la porte à tout et son contraire en matière de méthode, de contestations, d'avis et contre-avis, de suspension des auditions, et le reste. Un parti qui voudrait gagner du temps ne ferait pas mieux.

Pouvoir discrétionnaire et une commission non appuyée sur une loi

Un pouvoir de contraindre à témoigner seulement si on le juge nécessaire, voilà ce qui ressemble à un pouvoir discrétionnaire d'un fonctionnaire de l'État et du gouvernement, donc logiquement contestable devant les tribunaux. Déjà jeudi dernier, donc avant l'apparition de ce pouvoir de contraindre ici et non là, l'avocat bien connu, Me Jean-François Bertrand, donnait ce qu'il qualifie d'un simple "avis brut en droit". Me Bertrand avait déclaré aux journalistes, que le pouvoir et les décisions de cette commission non appuyée sur la loi sur les Commissions d'enquête, risquaient d'être contestés devant les tribunaux:

«Lorsqu'il adopte un décret, le Conseil doit le faire en vertu d'une loi et ne peut pas le faire dans le vide comme ça. Est-ce que le décret est légal? C'est ça la question. C'est la première question que je me suis posée. Ça m'a sauté aux yeux».
[...]
«Si quelqu'un allait en cour et intentait une requête en nullité du décret, il y a des bonnes chances que ça soit annulé»4.

Du "droit nouveau"

Et voilà qu'un avocat et enseignant, spécialiste en matière de droit administratif, allait dans le même sens. Me Denis Lemieux, professeur en droit administratif à l'université Laval, n'osait cependant pas parler d'illégalité de la commission, mais a donné en partie raison à Me Bertrand et autres juristes qui se posent des questions:

Questionné sur la légalité de l'exercice, le professeur en droit administratif à l'Université Laval, Me Denis Lemieux, a rappelé lui aussi qu'un «décret doit toujours s'appuyer sur une loi».
          Or, le décret 1029-2011 du gouvernement Charest, qui tient sur trois pages, n'a pas été bâti en s'appuyant sur la Loi sur les commissions d'enquête, ni aucune autre loi. Plusieurs juristes ont d'ailleurs évoqué cet aspect de «droit nouveau».
          «Il y a des décisions du conseil des ministres, ça, c'est une chose, et il y a des décrets. Mais quand on parle de décret, il doit y avoir un fondement législatif. S'ils ne mentionnent aucune loi, ça serait plutôt une décision du conseil des ministres», a ajouté Me Lemieux. Dans un tel contexte, l'appellation «décret» peut être «fallacieuse», a-t-il soutenu.
          Toutefois, le professeur ne va pas aussi loin que Me Bertrand. «Techniquement, ça n'empêche pas le gouvernement de créer une telle commission sans pouvoir de contrainte. Ce n'est pas nécessairement illégal, mais c'est impropre d'utiliser le mot décret», a-t-il précisé.5

J'aime le mot "impropre" et ses nuances... C'est ce qu'on enseigne aussi dans les cours de formation de base en droit en matière de lois et de règlements.  Le pouvoir discrétionnaire est normalement déconseillé, sauf exception. Une question demeure donc : pourquoi le PM n'a-t'il pas simplement appuyé le décret sur une loi. La réponse dont tout le monde se doute, appartient probablement aux tribunaux, avec des réponses dans un certain nombre d'années, sinon aux historiens de demain.

Imminuté des témoins 

On a appris aussi par les grands médias que les témoins contraints à témoigner ne pourront être poursuivis sur la base d'information livrée dans les témoignages. Est-ce normal ou non? Il faut être un spécialiste pour le savoir. C'est peut-être que les enquêteurs de la police doivent de toute façon établir la preuve, indépendamment de la commission.


Attraper le cochon huilé

Le "droit nouveau" auquel contribue cette nouvelle commission-évènement, peu après la commission Bastarache sur la nomination des juges au Québec, me fait penser à ce genre de course "folk" pour attraper, à mains nues, un cochon huilé dans une ancienne foire agricole ou fête champêtre. En bref, voici un sigle que je suggère en le déclinant dans les deux langues (français / anglais) et qui pourrait décrire la commission sur la corruption : AMoiSTP / CMeIYC6Plus sérieusement, je crois que c'en est rendu au point où la police devrait obtenir de mandats de mise sur écoute de membres importants du Parti Libéral, rien de moins.

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1. Gouvernement du Québec. Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. Décret 1029-2011. 19 octobre 2011, 3 p.
Ce décret daté du 19 octobre 2011 sera amendé pour que la Commissaire en chef puisse contraindre à témoigner au besoin.

2.  Jean-Luc MONGRAIN. Le singe sur les épaules. Journal de Québec, dimanche 23 octobre 2011, p. 17. ET Journal de Montréal.


3.  Stéphane BERGERON. Jean Charest doit modifier le décret et utiliser la loi sur les commissions d’enquête. Communiqué, samedi 22 octobre 2011. Consulté le 23 octobre sur stephanebergeron.org

4. Jean-Luc LAVALLÉE. Des juristes s’interrogent. Une commission d’enquête illégale? Agence QMI, 20 octobre 2011.

5. De la même source.

6.  La commission  AMoiSTP / CMeIYC; "Attrape-Moi Si Tu Peux" / Catch Me If You Can
OU la Commission du petit cochon huilé (concours de course des anciennes foires).

jeudi 20 octobre 2011

Construction publique et corruption : commission remplacera omission

Bonne nouvelle: il y aura une omission commission d'enquête sur la construction (ou collusion dans la construction routière) au Québec. Mauvaise nouvelle : les Québécois sont divisés sur sa réelle efficacité, après l'obstruction longue et systématique du parti Libéral pour l'éviter. Mais probablement aussi, est-ce là une conséquence de l'après commission Bastarache de 2010, dont on se rappelle 
-   le "CSI" (investigation) sur les stylos de diverses encres et couleurs employés par Me Marc Bellemare dans ses notes personnelles, les jours et semaines suivant sa démission comme ministre de la Justice du Québec, 
-  et la méthodologie de sélection des candidats à la magistrature du Québec, avec ses post-its (pense-bêtes) libéraux apposés sur les dossiers des aspirants à une carrière de juge de conviction libérale.
Bref, l'ex-ministre de la Justice y fût considéré davantage comme un suspect fauteur de trouble, que comme un témoin important qui avait peut-être quelques chose à dire.

Encore une fois, je déteste me positionner en doutes, face aux dirigeants, lesquels je le sais,  pour la plupart d'entre eux et elles, sacrifient beaucoup pour nous servir et en retirer peu de gratification et beaucoup trop de critiques en retour. Mais, dans le même ordre d'idée que le programme d'ÉCR (Éthique et culture religieuse) imposé du primaire au secondaire aux enfants du Québec, j'obéis à la contrainte faite à nos enfants, qui est de développer un esprit critique. Car ce que l'on fait pour les idées spirituelles ou pour les valeurs transmises à nos enfants, ont doit le faire aussi pour les idéologies et valeurs éthiques et politiques, évidemment.

La bonne nouvelle arrive peut-être trop tard

Selon certains observateurs, notamment J-Jacques Samson (1) du Journal de Québec, la bonne nouvelle arrive peut-être trop tard pour susciter la confiance. Mais il y a effectivement une bonne nouvelle dans l'annonce d'aujourd'hui : il y aura une commission d'enquête dont la forme précise n'est pas encore bien connue du public. La mauvaise nouvelle : il semble trop tard pour inspirer confiance du côté des payeurs de taxes et impôts qui commencent à se montrer très impatients sur la façon selon laquelle l'argent chèrement gagné dont on les prive sur leurs revenus est dilapidé, notamment en arrosant le côté interlope au passage (les criminalisés) et le côté sombre de "la Force". Le désordre social est à deux pas et cela ne servirait personne, sauf les agitateurs extrémistes (ex. néo-communistes, etc.).

Dans les faits, l'orientation probable voulant que les témoins ne soient pas obligés de témoigner contre leur gré, laisse déjà entrevoir une autre commission limitée dans son mandat, comme la récente commission Bastarache.

Quelques inquiétudes à chasser : Imagine

Faisons un effort pour chasser nos inquiétudes qui peuvent se résumer en quelques points (parmi d'autres).

  • Imaginons une commission à plus d'un juge, choisis indépendamment du politique.
On se souviendra que la nomination du Juge Bastarache, sûrement une bonne personne et compétente en plus, avait quand même créé un malaise. Un juge Libéral présidant une commission pour investiguer les pratiques libérales en matière de nomination des magistrats au Québec avait de quoi laisser perplexe sur la réelle objectivité de ce dernier.
Le juge Bastarache, un Libéral qui a présidé une commission enquêtant sur les présumées pratiques... Libérales, dans la nomination des juges au Québec. Ses accointances avec le parti Libéral qui l'a nommé sont inscrites ici sur un post-it (pense-bête) avec des encres de couleurs différentes pour faire un clin d’œil à certaines révélations de la précédente commission. C'est que d'une part, les dossiers de candidature des aspirants-juges libéraux (aspirant à une carrière dans la magistrature québécoise) se voyaient accoler un post-it inscrit "Libéral". Et il y eut la saga de l'investigation et tentative de datation des encres des notes de l'ex-ministre de Justice du Québec, Me Marc Bellemare, notes manuscrites prises sur plusieurs jours suivant sa démission, étaient de luminescence et couleurs différentes, inscrites sur un support cartonné, aussi investigué par un spécialiste... Cela ne mena à rien de concluant et fût tourné en dérision. On conclut qu'il avait effectivement utilisé plus d'un stylo sur un fond cartonné. L'auteur de ce billet utilise personnellement  plus d'un stylo en une seule journée!

































  • Oublions aussi que le long temps de réflexion du premier ministre, ces dernières semaines où il a déclaré "entendre" ce que disaient les gens (depuis plus de 2 ans), lui a laissé le temps de déterminer la formule la moins risquée pour le parti et d'identifier un ou des candidats juges pour ladite commissions.
  • Essayons d'oublier que le juge Bastarache s'était montré impatient et suspicieux envers l'ancien ministre de la Justice du Québec, Me Marc Bellemare, celui qui affirmait avoir eu des pressions indues pour nommer certains juges, et inversement, plus conciliant envers les proches du parti Libéral du Québec.
  • Ne pensons même plus au fait que Me Suzanne Côté, la procureur représentante du Gouvernement du Québec, dans les prétentions de l'ex-ministre de la Justice du Québec, semblait agir davantage pour remettre en question les témoignages de Me Bellemare, celui qui affirmait avoir eu des pressions indues pour nommer certains juges, plutôt que de vouloir faire la vérité au nom de tous les citoyens du Québec. Plusieurs ont eu l'impression (ou la conviction) qu'elle était mandataire du parti Libéral et non pas du Gouvernement du Québec. Mal briefée, peut-être...
  • Osons croire que les investigations de la commission sur le point de glisser avec douleur, hors de la matrice libérale, ne se porteront pas uniquement sur les pratiques douteuses ou liens entre quelques maires de la vieille école et des représentants de l'industrie (entrepreneurs, consultants en génie civil). Soyons presqu'assurés, que les députés et ministres qui se sont mouillés et qui ont bénéficié des largesses du retour de l'ascenceur (ou doit-on dire un monte-charge pour l'argent?), seront amenés sous les projecteurs de la justice.
  • Osons espérer que plus de deux ans d'obstruction contre une commission d'enquête n'auront pas laissé le temps aux gens corrompus de faire le ménage de leurs dossiers.
  • Osons croire que les prochaines élections n'arriveront pas avant des résultats tangibles et des accusations concrètes.
  • Il est logique de penser aussi, que la commission se penchera sur la façon de faire qui tend à ouvrir la porte aux pratiques douteuses et ira de recommandations sur les modifications à apporter dans l'attribution de contrats publics en construction routière. Rapport de Jacques Duchesneau de l'unité anti-collusion, aidant.
  • Mais les autres secteurs potentiellement infectés, oublions cela (ex. Hydro-Québec; ex. les contrats en informatique au Gouvernement du Québec, etc.). Il ne faudrait quand même pas faire un excès de positivisme.
Entre commission et omission, il est facile de se méprendre

Mais l'idée que les témoins puissent ne pas être contraints de témoigner devant la commission, ni publiquement, ni à huis clos, semble déjà donner le ton et le dénouement de la commission. Qu'on y ait même songé ne dit rien qui vaille. L'exercice sera un buffet froid avec quelques sandwichs coupés en angle. Il y aura quelques trempettes, avec un apéro, rien de plus qu'une petite entrée avec des sourires et de belles distractions pour que les regards se portent à des endroits ciblés, mais les convives (les médias, le public) seront retournés chez eux; laissés sur leur faim. Durant ce temps, on sera probablement rendu à la prochaine élection et il y aura quelques mises en accusation au moment stratégique, mais le pouvoir politique supérieur au Gouvernement du Québec sera épargné, sauf exception. C'est ce que pensent une bonne partie, probablement la moitié, des contribuables québécois.

Pensée :  «Je me souviens», est le devise du Québec. Espérons que c'est ce que nous entendrons lors des témoignages devant la commission.

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1.  J. Jacques SAMSON. La patente à gosses. Journal de Québec, Mercredi 19 octobre 2011.
Pour les lecteurs étrangers, "la patente à gosses" désigne un assemblage avec les moyens du bord et dont on doute de l'efficacité ou de la durabilité. Au mieux, c'est quelque chose qui surprend par son air bizarre. Mais l'expression est plutôt aujourd'hui comprise comme un assemblage très sommaire ou une invention bizarre qui fait rire ou qui ne fera pas un grand succès. L'expression fait de moins en moins partie du langage populaire.

samedi 8 octobre 2011

Hydro-Québec et compteurs-miracles, ça tourne pas rond

8 OCTOBRE 2011. Ayant consulté le site web syndical des employés d'Hydro Québec (1), je n'ai pas été convaincu du complot des compteurs de consommation d'électricité véhiculé dans le contenu des publicités syndicales abondantes à la télévision. Cela me semblait plutôt des affirmations pamphlétaires. Mais voilà, on commence à apprendre de moins bonnes choses sur un projet de remplacement de 3,75 millions d'unités de compteurs qui présentait les caractéristiques d'une évolution techno et logique. Mais parmi le plus inquiétant et le non-dit pour les familles, se trouve le fait qu'avec la technologie, la possibilité de surfacturer légalement un jour les familles consommatrices d'électricité aux heures de pointe est à nos portes. Et ces compteurs représentent aussi un bavard dans votre maison, concernant vos habitudes aux 30 secondes près, ou votre présence au foyer, etc.

Autre texte: Compteurs et conteurs d'Hydro-Québec (3 déc. 2012)
Compteur de type résidentiel
Modèle destiné à la clientèle
résidentielle
(sans puissance facturée)
Crédits photo : Hydro Québec


La logique voudrait qu'on migre nos pratiques de consommation, au rythme de la technologie éprouvée, si elle est efficace (économiquement, "énergétiquement", environnementalement, etc.). L'idée de "compteurs intelligents" qui peuvent transmettre des données à distance peut donc sembler justifiée.

Comment prendre quelque chose de bon pour en faire quelque chose de mauvais?

Des informations révélées ou résumées par Pierre Couture du journal Le Soleil (2) sur ces super compteurs miracles ont de quoi refroidir nos ardeurs en faveur de l'exercice consistant à remplacer 3,75 millions d'exemplaires de nos vieux compteurs analogiques à roulette (disque). 

En bref, l'auteur compile ou souligne des faits plus ou moins connus.
  • Résultat de revérification de ses chiffres par Hydro-Québec :  les économies anticipées avec les nouveaux compteurs seraient revues à la baisse, passant de 300 millions de dollars à 172 M$; économie étalée sur 20 ans. Mais Hydro Québec répond par voie de communiqué que l'information est erronée (3).
  • Les nouveaux compteurs numériques ont une durée de vie de 15 ans, contre 25 ans pour les modèles analogiques. Une économie calculée sur 20 ans, déjà c'est étrange; à moins de posséder une assurance-vie pour compteur... :-)
  • Les micro-ondes émises par l'envoi d'information sont classées potentiellement cancérigènes selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS); information contredite par la Société d'État pour le type de compteur utilisé (4).
  • Un dépassement des coûts est appréhendé, car la compagnie privée qui a le mandat de mise en oeuvre de la réforme a déjà dépassé les coûts de contrats pour le nouveau système informatique d'Hydro Québec. La migration informatique qui devait coûter à l'origine 270 M$ en a coûté près du double, passant à 500 M$, certaines sources disent 600 M$. Bonne chance pour les économies avec les compteurs. 
  • Pierre Couture reprend aussi l'idée des liens potentiels entre contrats d'Hydro-Québec et milieu criminalisé. La livraison des compteurs expérimentaux aurait été été stockée dans les entrepôts d'entreprises en lien avec le crime organisé. 
«Et comme si ce n'était pas assez, on apprenait la semaine dernière par le journaliste Olivier Bourque de TVA que les nouveaux compteurs d'Hydro, qui doivent servir à un projet-pilote dans la région de Montréal, étaient entreposés dans un immeuble appartenant au clan Rizzuto, lié à la mafia montréalaise. Bref, un dossier décidément parti tout croche [...]» (5).
Comme disait le maire de la métropole entre deux chutes de viaducs routiers en tout ou en partie (réseau de transport de Transport Québec) , «Ça va très bien à Montréal!». Oui, mais pour qui!? Voilà comment un état et ses mandataires peuvent faire pour transformer une bonne idée en quelque chose de mauvais.

Légendes urbaines et réalité

lundi 3 octobre 2011

Contribution démocratique OBLIGATOIRE? communisme 2.0

Crédits photo : Banque royale du Canada
3 OCT. 2011. OU UN PIÈGE À CONS; CE QUE NOUS NE SOMMES PAS. Dans la foulée de la collusion et de la corruption présumées en lien avec l'attribution des contrats publics en  construction routière et le financement des partis, une idée fait son chemin. Il s'agit du financement des partis via un prélèvement obligatoire additionnel sur les revenus des citoyens. Il y a seulement une petite omission dans cette logique : si la corruption existe sous cette forme au Québec, c'est parce qu'il y a une masse critique, une partie minimale de la société, qui soit corruptible. Cette masse corruptible existera aussi dans un système de multiplication des partis. D'autre part, petit prélèvement deviendra grand. Et avons-nous oublié les allégations actuelles concernant les liens possibles entre certains syndicats et le milieu criminalisé, dans le contexte du marché public de la construction? Même les syndicats n'ont pas le monopole de la vertu.

D'aucuns suggèrent, pour contourner la surfacturation des contrats publics et le financement douteux des partis, que soit imposée une contribution prélevée directement sur les revenus des contribuables (ex. au moment du rapport d'impôt ou prélevé à la source). Par exemple, pourrait être prélevé un équivalent de 0,05 % (pourcent), soit  5 dollars par tranche de 10,000 dollars de revenu familial, donc 40 dollars pour un revenu familial de 80,000 dollars. 

Mais la faible mise de fond pour rendre acceptable la mesure constitue un leurre (un appât, un piège à cons), parce que d'une part, une fois le principe de prélèvement établi et la pratique passée dans les us et coutumes, il deviendra facile par exemple, de doubler ou multiplier autrement la faible contribution initiale. Les dépenses étatisées explosent toujours. Mais avant, il se trouverait, dès la mise en application, quelqu'un pour dire qu'en-deça de tels revenus-planchers, les individus et familles seront exemptés de la contribution obligatoire, alors que les "méchants" riches qui ont revenu familial de 100,000 dollars ou plus devraient contribuer par exemple de quatre fois le montant initial (0,002 % x 100,000 dollars = 200 dollars).   Entre les deux, c'est encore la classe moyenne qui écopera, puisqu'une bonne partie de la population ne paie pas d'impôts

Nous devons nous opposer à ce genre de solutions pour plusieurs raisons

  1. Nous sommes déjà suffisamment imposés et taxés au Québec.
  2. Cela donnerait naissance à une prolifération de partis (ex. 10 petits partis indépendantistes, 5 petits partis communistes, 10 petits partis socialistes, etc.). La formule avantagerait les partis marginaux ou extrémistes ou hyper-spécialisés.
  3. L'argent privé (revenu familial ou individuel) ira vite au support d'idéologies totalement contraires aux valeurs du contribuable cotisant. Ce qui semble à prime abord une noble cause démocratique constituera dans les faits une intrusion dans notre liberté de cotiser selon nos choix. Une alternative propose que les contribuables choisissent eux-mêmes leur parti en cochant une case parmi une liste présentant les principaux partis. Mais il se trouvera très vite des groupes pour prétendre cette option inéquitable, anti-démocratique et revenant au même qu'avant, avec quelques grands partis (donc plus ou moins l'équivalent du statut actuel). Par exemple, on dira que les citoyens ne payant pas la contribution en raison d'exemption, devraient avoir le choix de représentativité de leur parti aussi. Il se trouvera donc INÉVITABLEMENT, qu'une partie des fonds collectés dans les autres classes sociales devra servir à représenter ceux qui ont de trop faibles revenus pour cotiser. Autrement dit, les uns décideront de l'allégence... des autres.
  4. Le simple fait de devoir cocher une case d'un formulaire pour identifier son parti ne respecterait pas le principe du vote secret. Imaginez : le gouvernement élu et les fonctionnaires pouvant connaître votre allégeance politique pendant que vous votez en "secret" à l'urne. C'est idiot! C'est qu'il s'agit ici d'un exercice obligatoire pour tous, et non plus d'une demande de crédit d'impôt facultative pour un don volontaire.
  5. Une surmultiplication de partis visant dans bien des cas, à pourvoir des revenus complémentaires pour certaines personnes est prévisible et réaliste.
  6. On pourra aussi assister à la création de partis-vitrines (de façade) entièrement légaux, mais servant uniquement à alimenter d'autres partis ou à multiplier la promotion des mêmes idées avec un budget additionnel. Dans l'industrie de la construction, au Québec, l'existence a été établie, concernant des entreprises de façade entièrement légales de par leur structure juridique, mais par la suite servant au blanchiment d'argent et à l'émission de fausses factures.
  7. La division du vote entre de multiples partis ne renforcera pas la démocratie mais contribuera plutôt à la division de la cohésion sociale. Nous savons tous ce que vivent les organisations où il y trop de chefs. Ce serait pire encore avec une multiplication de chefs tirant dans des directions opposées ou hyper-spécialisés; par exemple, parti fondé par des artistes, parti fondé pour récolter les votes de la région de... ou telle ethnie, etc.).
  8. Certains partis représenteraient la tranche de la population qui ne VEUT PAS travailler, ou qui ne s'y prépare pas (études, formation) mais qui en a la capacité, ou encore qui travaille au noir. Ces personnes ayant en commun un faible revenu déclaré, éviteraient de contribuer de façon significative et profiteraient d'un avantage disproportionné et injuste en poids politique, par rapport aux travailleurs de classe moyenne à revenus déclarés qui eux, paieraient leur entière contribution.
  9. Petite contribution obligatoire deviendra grande. Connaissez-vous des contributions obligatoires limitées au départ qui n'aient pas ensuite à augmenté à répétition avec les années?
  10. Et avons-nous oublié les allégations actuelles, dans l'actualité, concernant un lien possible entre certains syndicats et le milieu criminalisé, dans le contexte du marché public de la construction. Même les syndicats n'ont pas le monopole de la vertu. Alors, pourquoi les nouveaux partis seront-ils différents?

Enfin bref,

Semblable pensée magique de la contribution démocratique imposée avantagerait des partis marginaux. Croire que ces idéologies ont le monopole de la vertu (justice et équité incluses), c'est gommer un siècle et demi d'histoire, de ce qu'ont produit de les idéologies d'extrême-gauche en Europe. De même que le communisme récupéré en Orient, et plus près de nous à Cuba, par exemple; l'étouffement des droits et libertés, incluant la répression de la liberté des entreprises. On reproche aux États-Unis leur militarisation, mais tous les partis communistes et plusieurs socialismes du monde ont produit des états imposant leur idéologie sociale par la force ou le régime militaire, et par une élite restreinte, amie du parti, bénéficiant des privilèges et des largesses de ces partis. Fidel Castro, si fort dans l'opinion populaire au Québec dans les années soixante, se plaisait à dire qu'il n'était pas communiste; loin de lui cette idéologie. L'équité qui a suivi à Cuba a été à la hauteur du reste des idéologies semblables: restrictions radicales des droits et libertés, de la libre entreprise et de la libre circulation des capitaux et des personnes.

Autrement dit, si c'est peut-être une bonne idée pour un rapport de lecture de cégépien qui fait son DEC en sciences humaines, c'est tout de même
  • un piège à cons, ce que nous ne sommes pas;
  • un piège pour la démocratie et pour la liberté de choix qui ont longtemps caractérisé l'occident démocratique.

Ne tombons donc pas dans ce panneau. Si la corruption existe, c'est qu'il y a une masse critique de la société québécoise qui soit corruptible. Il faut changer la pensée et les comportements.

« Les lois ne servent à rien si elles ne sont pas accompagnées d’une solide volonté politique, continuait Falcone. Et celle-ci ne se formera que lorsque le pays TOUT ENTIER sera conscient de la nécessité de combattre le crime organisé». (1)

La mafia nous prouve qu'on peut avoir la vertu de "solidaire" dans la criminalité. Même les syndicats n'ont pas le monopole de la vertu. Tant que la masse corruptible sera trop élevée, la corruption existera aussi dans un système de multiplication des partis, comme dans tout système où de l'argent public peut être détourné. Là où il y a de l'argent impliqué, il y a de la "crasse"; même chez les socialistes. La solution passe par une coordination constante des efforts, comme le prône aussi Jacques Duchesneau, chef de l'unité anti-collusion, et pas uniquement au niveau policier / judiciaire.
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1.  Richard MARTINEAU. Palerme, P.Q.. Chronique Franc-maçonnique Franc-parler, 17 septembre 2011.
Citation tirée du livre Cosa Nostra : le juge et les hommes d’honneur
NOTE : pour les lecteurs étrangers, l'abréviation P.Q. désigne la Province de Québec, région administrative du Canada (un état d'environ 8 millions d'habitants dans le Canada).