mardi 1 novembre 2011

Euthanasie : balises et dérives

La promesse classique à l'intégration de changements sociaux majeurs comme la légalisation de l'euthanasie ou du suicide assisté aux soins de "santé" (!?) est la suivante : le politique, le législatif et le médical encadreront l'acte au moyen de balises efficaces pour empêcher toute dérive. Mais le Dr Marc Beauchamp, MD FRCSC, nous apprend que dans la vraie vie médicale chez les pays qui la pratiquent, depuis quelques années, les dérives se concrétisent.1

Ces quelques extraits proviennent d'une présentation du Dr Beauchamp1 dont le lien vers le document de synthèse PDF est fourni en fin d'article:

Hippocrate s'engageait en ces termes : 
«… Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion… » IVe siècle av. J.C.

Le refus d'intégrer à l'acte médical l'euthanasie active et le suicide assisté ne constitue donc pas une idée unique à ce que certains appellent haineusement "la droite religieuse". Hypocrate s'engageait déjà à refuser la voie de l'euthanasie et du suicide assisté. Les hôpitaux ne doivent pas devenir des abattoirs pour humains, où l'on accompagne un malade sur un étage et tue son frère sur l'autre.

Euthanasie, le saviez-vous?

Saviez-vous que, selon la présentation du Dr Marc Beauchamp, MD FRCSC, dans les pays qui ont légalisé l'euthanasie et promis de baliser la pratique, le relâchement a été pratiqué après quelques années.
  • Aux Pays Bas, souvent cités en exemple, la tendance est de 1 euthanasie sur 5 pratiquée sans consentement.
  • On y pratiquait au départ la consultation psychiatrique avant d'accorder l'euthanasie dans 25% (1 cas sur 4) en 1998, mais plus tard, la tendance est devenue 0% de consultation psychiatriques préalables (année de référence 2010).
  • Au moins 20% des euthanasies (1 sur 5) n'y sont pas rapportées.
  • Pour une personne d'âge de plus de 70 ans, "être fatigué" (mentalement, émotivement) y constitue une raison suffisante et reconnue pour pratiquer le suicide assisté.
  • En Belgique, 1 euthanasie sur 3 est pratiquée sans l'accord du patient, le plus souvent en raison d'un coma ou de démence. Et près de la moitié des euthanasies n'y sont  pas enregistrées.
  • Dans l'État américain de l'Orégon, en 2007, aucun patient n'ayant reçu une substance létale n'a préalablement été évalué psychologiquement  et ce, même si la loi oblige une telle évaluation pour identifier les dépressions. On estime jusqu'à 60% (6 cas sur 10) de syndromes dépressifs chez les patients demandant la mort contre 17% de syndromes dépressifs chez ceux de groupes témoins qui n'ont pas exprimé le souhait de mourir. La dépression serait donc souvent une cause de demande de l'accès à l'euthanasie chez les malades. Les malades non dépressifs ont moins tendance à demander l'euthanasie active.

Selon l'exposé du médecin, AUCUNE balise n'a suffit à long terme pour empêcher le relâchement par les autorités médicales, judiciaires et politiques. C'est une progressive adaptation ou résignation ("giving up"). Pourtant, ces pays ou états servent souvent de référence pour justifier l'euthanasie active ici.


Et alors que l'on parle souvent des pays ayant légalisé l'euthanasie comme étant des modèles, on passe trop souvent sous silence ceux qui ont rejeté l'euthanasie active qui peuvent être les modèles:
  • La France (qui n'est pourtant pas le pays de la droite religieuse)
  • Le Royaume-Uni
  • L'Allemagne
  • L'Espagne
  • Les États-Unis (47 des 50 états)

Quelques motifs évoqués pour la non-application de l'euthanasie active (donner la mort) dans ces pays ou états autonomes et d'autres
  • L'impossibilité d'application des critères d'inclusion2 et de contrôle d'exécution
  • L'atteinte des droits fondamentaux des citoyens (vie, sécurité) avec les risques pour les citoyens vulnérables comme les handicapés, les déments, la clientèle psychiatrique
  • Éviter que le "droit de mourir" ne devienne un "devoir de mourir" (France)

La majorité (quasi unanimité) des états de droit continuent de prohiber l'euthanasie.

Pour voir le document de présentation (projection) au format PDF, voir:
par le Dr Marc BEAUCHAMP MD FRCSC

Pensée :  Demander à une personne souffrante si elle veut abréger ses jours, c'est ni plus ni moins que lui suggérer de partir. Le "droit de mourir" se transforme vite et de façon plus ou moins subtile, en "devoir de mourir" pour laisser sa place aux autres moins malades.
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2.  Souvenons-nous que c'est pour une raison de semblable non-uniformité que l'avortement encadré ou balisé a échoué pour se généraliser sans restriction aucune au Canada. 

  • La Cour suprême a conclu que considérant l'impossibilité de pratiquer la règle d'uniformité  dans le contrôle des avortements sur la base des comités (chaque décision médicale ayant une part de subjectivité et les comités étant plus ou moins stricts, voire même inexistants), l'article du Code criminel encadrant l'avortement devait être déclaré nul dans la cause du Dr Henry Morgentaler. La Cour a recommandé au Gouvernement du Canada de proposer un cadre législatif plus spécifique et précis (une loi), ce que le Gouvernement fit, mais le projet de loi fût rejeté au sénat (troisième lecture) à l'encontre même de la volonté de la population et du législateur (les élus). Cela laisse depuis au Canada, un vide juridique et il demeure techniquement possible d'y pratiquer des avortements tardifs juste avant la naissance, même si officiellement cela ne se fait pas. Évidemment, si des "médecins" le font (ex. à 6 ou 7 mois de grossesse), ils ne s'en vanteront pas, tant que l'acte est jugé barbare par la majorité de la population et des élus. L'actuel vide juridique (annulation de l'article du Code criminel par la Cour suprême ET rejet du projet de Loi par le sénat en troisième lecture) a eu pour point de départ la difficulté d'intégrer une uniformité non contestable devant les tribunaux. Un problème semblable de définition de critères uniformes se pose avec l'euthanasie. On le voit dans la variation de l'application des règles aux Pays Bas et en Orégon, par exemple. Voici un exemple de ce qui pourrait arriver: un parmi les trois enfants d'un malade voit sa position bafouée par deux autres qui sont pour l'euthanasie du paternel et ont fait quelques suggestions à peine voilées au malade,  en ce sens. Le fils en désaccord avec les autres enfants du malade considère que les circonstances entourant l'acte médical ont contribué à violer les droits du père qui aurait pu vivre une vie relativement satisfaisante à la maison, durant quelques mois encore, moyennant des soins palliatifs appropriés (ex. soulagement de la douleur). Le fils est d'autre part convaincu que les deux autres enfants du père visaient surtout à récupérer la fortune du malade. Il décide de poursuivre son frère et sa soeur ainsi que l'hôpital pour violation des droits constitutionnels du malade. Si l'hôpital n'a pas suivi la même règle d'inclusion qu'un autre hôpital de la province ou du pays, ou même qu'un autre cas semblable du même hôpital, il va être plongé par cette poursuite dans une saga juridique.  Comme elle l'a fait pour l'avortement avec des critères inconstants, la Cour suprême pourrait suspendre la politique d'euthanasie pour faute de critères d'inclusion appliqués de façon uniforme partout dans le pays et viol de la Constitution. C'est probablement d'ailleurs pour éviter des cas de poursuites, que la documentation et les archives entourant l'acte ne sont pas constantes dans les pays ou états pratiquant l'euthanasie ou même, que les euthanasies ne sont pas toutes déclarées ou enregistrées en tant qu'euthanasies (1 non déclarée sur 2 en Belgique, 1 non déclarée sur 5 aux Pays Bas).