mercredi 1 février 2012

Pierre-Hugues Boisvenu, le sénateur qui ne dormait pas

On a souvent questionné l'utilité de la fonction de sénateur au Canada. Il a été démontré que plusieurs dormaient sur les comités sénatoriaux ou en étaient absents. Avec le sénateur Boisvenu, on avait un homme actif. Se pourrait-il qu'il l'était un peu trop?

Voici la déclaration par laquelle le scandale arrive et qu'il a prononcée ce mercredi matin, premier jour de février 2012:

« Moi, je dis toujours, dans le fond, il faudrait que chaque assassin aurait le droit à sa corde dans sa cellule, il décidera de sa vie » (1).

Au Québec, cela aurait passé venant d'un humoriste. Le sénateur était-il trop émotivement impliqué par son drame personnel (meurtre de sa fille), pour démontrer une certain recul face à ses dossiers? C'est le genre de déclaration que ferait aussi une personne qui est fatiguée et qui ne pèse pas toutes ses paroles, un peu comme dans une dispute au sein d'un couple. Il lui fallait faire la part des choses entre le père et la fonction d'état. A-t'il poussé trop loin son engagement public? S'est-il brûlé sous le feu de la critique, avec le C-10 qu'il défend bec et ongles? Probablement. Mais sa présence faisait aussi l'affaire du Premier ministre qui manque de héros populaires au Québec, vu le petit nombre d'élus. Francophone, M. Boisvenu y était un bon porteur de dossier pour le Québec.


Rétractation rapide

Selon le site de la SRC, le sénateur s'est toutefois rétracté rapidement:

Le sénateur Boisvenu est ressorti peu de temps après de la salle de réunion pour expliquer aux journalistes qu'il n'aurait pas dû faire une telle déclaration publiquement et qu'il était allé un peu loin. Il a également multiplié les entrevues avant d'émettre un communiqué, dans lequel il dit trouver son « commentaire inapproprié ».
« Dans une discussion à bâtons rompus, le sénateur a émis publiquement un commentaire, qu'un proche d'une victime assassinée lui avait déjà fait, au sujet du sort souhaité aux tueurs en série Pickton, Olson et Bernardo », soutient le communiqué (2).

Selon ces rétractations, le sénateur aurait donc repris les paroles d'un proche d'une victime assassinée dans son propos, mais il reconnaît qu'il était inapproprié de reprendre ces paroles publiquement. Devrait-il se retirer après son travail? Il est trop tôt pour le dire. Devrait-il prendre un peu de repos et plus de distance lors des débats publics? Probablement. Mais la politique est en manque de héros au Québec et au Canada...

Un parent normalement constitué qui se fait tuer son enfant par un criminel, et qui plus est par un récidiviste, comme pour Julie, la fille de M. Boisvenu, aurait envie de faire la peau lui-même à l'assassin. C'est viscéral et humain. Mais un parent normal sait aussi au fond de lui-même, que ce n'est pas la solution. Il n'appartient pas à chacun de se faire justice soi-même, contrairement à ce qui est véhiculé abondamment dans le cinéma américain. C'est dans un tel contexte que le gouvernement Conservateur veut davantage encadrer les crimes graves.

Le sénateur Boisvenu, jusqu'à présent, parlait donc plus que les ministres, sur toutes les plates-formes médiatiques. Dans sa dernière déclaration ce n'est manifestement pas l'homme public politique qui a parlé, mais le père blessé qui a perdu sa fille suite à un crime grave. Dans la foulée du débat sur le C-10, il aurait fini par confondre les rôles: celui de père (et des pères, mères, frères et soeurs qu'il rencontre) et celui de l'homme politique. Le sénateur qui doit être au service de tous les Canadiens a-t-il encore la crédibilité  qui doit caractériser la fonction qui n'est pas rien: à la limite, sanctionner (approuver ou rejeter) les lois votées par nos élus au fédéral? Et ce pouvoir du sénat n'est pas qu'une figure de style ou uniquement symbolique (3).

Autre faux-pas, cette fois à gauche

Voilà, quelqu'un de la droite s'est planté. Pour une histoire de quelqu'un de la gauche qui s'est mis les pieds dans les plats, SANS être repris par la plupart des médias, suivez ce lien:

Blague douteuse à l'UQAM : menaces de terrorisme gauchiste

MERCREDI 1 FÉVRIER 2012


_______________

1.  Radio-Canada avec la Presse Canadienne. Le sénateur Boisvenu retire ses propos controversés sur l'option du suicide donnée aux assassins. Mercredi le 1er février 2012.
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2012/02/01/002-boisvenu-peine-mort.shtml

2.  Même source.

3.  Rappelons par exemple, que ce sont les sénateurs, qui  à la fin de la décennie 1980 avaient rejeté le projet de loi visant l'encadrement légal de l'avortement au Canada, suite à son adoption par les élus et avec l'appui de la majorité des Canadiens. Le projet de loi faisait suite au jugement de la Cour suprême dans la poursuite du Dr Henry Morgentaler; victoire contre le Gouvernement. Le jugement de la Cour donnait raison au médecin et le jugement recommandait d'encadrer l'avortement par une loi spécifique applicable uniformément partout au Canada dans toutes les institutions, plutôt que par des comités de médecins, avec des résultats non appliqués de façon uniforme et  donc anticonstitutionnels. Un projet de loi fût déposé et passa les deux premières lectures. Mais le rejet du projet de loi par le sénat fût médiatisé comme un droit à l'avortement (qui n'existe pas), alors qu'il est plutôt question d'un vide juridique à l'égard du foetus.