vendredi 18 mai 2012

Étudiants du Québec contre loi spéciale: un peu de contexte

OU: CINÉTIQUE ET POLITIQUE

Nous ne sommes pas dans le
même contexte que les anciens 
patriotes, de la même manière
que nous ne sommes plus en 
guerre contre l'Allemagne.
Les associations étudiantes ont voulu mesurer jusqu'où elles pouvaient aller dans leurs exigences juvéniles. Gonflées à bloc par les hormones du printemps, elles ont atteint le maximum de l'élastique (énergie cinétique) en refusant deux offres bonifiées (27 avril et 5 mai),
la plus récente ayant même été jugée avantageuse par trois grandes centrales syndicales et un expert en la matière, chiffres à l'appui. Refuser l'offre du 27 avril fût probablement la première grande erreur des associations (mises à part les "bagnoles à l'envers" et toute cette violence contre vos possibles alliés). Ce refus sans faire un pas était donc un gambling, car si la ministre était bonne joueuse mais surtout pacificatrice, ils auraient par contre pu voir les portes se fermer face à un interlocuteur plus dur en négos. Mais ils ont eu la chance d'avoir une offre encore meilleure le 5 mai, faisant sourire de satisfaction les grands chefs de syndicats.

Refuser une offre, si vous vendez une maison ne vous garantit pas que vous la reverrez, car vous l'avez refusée.

En négociation, il ne faut habituellement pas insulter l'autre partie

Ici, les deux se sont produits: le gouvernement a exigé un rattrapage important mais nécessaire pour le maintien de la qualité de l'enseignement post-secondaire et des infrastructures et rapide étalé initialement sur cinq ans. Ce genre de stratégie avait marché dans le budget de 2011 avec des hausses dans d'autres domaines visant les travailleurs pour 4 ans (stratégie pour éviter d'en reparler au dépôt de chaque nouveau budget). Mais les associations étudiantes ont erré par l'inverse, jusqu'à exiger la gratuité. Ce fût le prix à payer pour refuser de se distancer des revendications extrêmes de la CLASSE (approche radicale de type communiste).

La ministre de l'Éducation sortante, Line Beauchamp et sa successeure qui a déjà occupé la fonction, Michelle Courchesne, ont toutes deux constaté lors de deux rencontres distinctes, un durcissement des associations étudiantes ces quelques derniers jours. Les associations défiaient même le gouvernement de faire des pas de plus après le 5 mai, alors qu'elles se campaient dans le gel depuis le début des hostilités en février, quand ce n'était pas dans la gratuité totale des études post-secondaires dans un horizon de 5 ans; une boutade pour éviter l'entente, en réponse à l'étalement des hausses proposé par le gouvernement. Durcissement difficile à justifier, quand on sait que les hausses sont en réalité un rattrapage sur les longues années de gel des frais, alors que tout augmente: notamment le salaire des syndiqués du milieu scolaire, les équipements nécessaires pour les cours, les infrastructures et leur rénovation ou construction, etc. Car non seulement tout augmente, mais les infrastructures ça vieillit et des équipements, ça doit être remplacé de façon cyclique en raison de leur désuétude (ex. les machines à dactylographier et les premières générations d'ordinateurs remplacés même s'ils fonctionnaient encore mais étaient dépassés).

Même après les hausses, la formation post-secondaire demeurait la plus abordable du Canada et l'accès au bourse serait facilité avec les dernières offres du gouvernement. Donc pour la classe moyenne, la hausse serait compensée par la bonification des bourses et des prêts à rembourser de façon modulée en fonction des revenus. C'était un gain impensable quelques semaines plus tôt. Mais le superhéros a une seconde fois appuyé sur le bouton "Refusé!" La ministre Beauchamp a craqué et a démissionné, allant jusqu'à rêver de militer en tant que citoyenne contre une telle arrogance. 

Seulement la force nécessaire 

L'élastique (énergie cinétique) ne pouvant être tendu indéfiniment, il tend à reprendre par le mouvement, une position d'équilibre. Soit il casse avec le temps, soit on le relâche. Il y a aussi un principe qui dit aux non violents d'utiliser seulement "la force nécessaire" pour contenir sans blesser dans la mesure du possible. Ceci est difficile dans le domaine physique contre des balles de billard, des briques, des objets enflammés et d'autres projectiles lancés sur des cordons de policiers qui doivent assurer la protection des des personnes et des biens publics. Mais je veux parler ici au sens figuré, de la force nécessaire de la loi spéciale.

La loi et la force nécessaire au sens figuré

C'est ce genre de force nécessaire que propose la loi spéciale. Si tu frappes faiblement dans le mur, ça ne fait PAS très mal. Si tu "varges" dans le mur de toutes tes forces, ça fait mal et tu peux même te casser la main. C'est une métaphore bien sûr, pour notamment des amendes salées et d'autres conséquences modulées (adaptées) au degré de l'infraction. C'est ce que fera la loi, notamment par des amendes pouvant être appliquées si nécessaire. Dans les pires cas, les associations fautives seraient privées de leurs droit de prélever des fonds automatiquement, les contrevenants et leaders ou porte-paroles pourraient être mis à l'amende, et même n'être plus légalement reconnues comme association. Mais le droit de manifester sans casse à l'extérieur des murs des institutions et en fournissant à l'avance le trajet suivi est préservé, si on préserve la paix sociale. Manifester a toujours été un droit encadré même depuis les chartes des droits. Manifester n'est pas un droit de casse et de violence, non plus qu'un droit de bloquer la voie publique à volonté.

Grandir, c'est devenir responsable de ses actes

Jusqu'ici les associations étudiantes bénéficiaient d'une forme de protection civile et invitaient à défier les injonctions de nos tribunaux démocratiques. Désobéissance est venu à prendre le sens de violence. Mais dorénavant, durant l'application de la loi temporaire, les associations étudiantes pourront faire l'objet de recours collectifs au civil (une bonne préparation en vue de la vie professionnelle). Elles devront apprendre à tempérer leurs actions comme cela se fait dans le monde des grandes personnes. L'autre en face de toi a aussi des droits. Par exemple, je dois comprendre que  ta façon de tenir des votes répétés à diverses heures et jours jusqu'à enfin obtenir les résultats désirés au moyen d'une assemblée truquée et dérisoire, paquetée de quelques dizaines de personnes concertées avec les leaders pour en représenter des milliers, pourrait être contestée. Tu casses les vitrines sur ton chemin. Voilà que des marchands  (ou leurs assureurs) pourraient s'unir pour réclamer des compensations. C'est équitable et normal pour ne pas sombrer dans la dictature d'une minorité.

Pas lieu de se réjouir

Ceci dit, il n'y a pas de quoi se réjouir, car le gouvernement actuel a laissé se détériorer la situation en ne convainquant pas le public de façon suffisante, de la nécessité d'une hausse des frais aussi rapide. Le rythme des hausses soutenu sur cinq ans était effectivement difficile à avaler pour certaines familles. Mais les offres d'avril et mai sont venues corriger la situation. Les associations auraient pu clamer "victoire"! Les ministres avaient tous une tête abattu, tellement les offres étaient bonnes, tandis que les chefs syndicaux suintaient de joie.

Nous avons en plus noté durant de nombreuses semaines, l'absence d'un premier ministre que nous aurions voulu voir plus souvent prendre la parole et expliquer les diverses étapes, comme un chef d'État dans une crise. 

Pendant ce temps, une ministre un peu trop idéaliste, pensait voir un mouvement aussi radical que la CLASSE (coalition large de l'ASSÉ) accepter des petites négos conventionnelles. Les deux autres associations ne voulant pas se dissocier de la CLASSE, plus radicale, cette dernière devenait par le fait même:
  • le vrai organisme décisionnel pour tous les étudiants (les autres s'alignant sur elle)
  • et valideur pour toutes les offres (refusées)
Autre erreur stratégique majeure des deux autres grandes associations collégiales et universitaires. Il faut toujours bien choisir ses amis. C'est encore vrai dans le monde adulte. De ce côté radical de type communiste prônant la "désobéissance civile" (autre néologisme avec un sens modifié impliquant désormais la casse, l'intimidation, la violence) le mandat en assemblée soutenu par la CLASSE était: on ne négocie pas, on exige, mais devant les médias: on veut dialoguer. Ce néologisme de "dialoguer" prenait donc, on le comprend, le même sens que lui donnent des terroristes ultra-religieux (on avance, vous reculez). Devant le public on disait encore ne pas vouloir la violence, mais dans un discours en plein air on criait qu' il va falloir que ça brasse plus que ça au Québec.

Les associations étudiantes ont échoué à contrôler les participants aux manifestations, en n'émettant pas de directive, en permettant le port de masques, etc. Le risque de poursuites et d'amendes pourrait les forcer à considérer se doter d'un service d'ordre moins coûteux que la casse, et à trouver le moyen d'identifier leur gang (ex. brassard, T-shirt, visage découvert, etc.).


Renverser le système politique et économique

Puis on a appris les véritables intentions et motivations de la CLASSE: changer le système économique et renverser l'actuel régime politique, rien de moins. Ceci selon les origines (anticapitalisme) et buts de l'ASSÉ  et selon le  discours du principal porte-parole de la CLASSÉ ou la CLASSE, prononcé le 7 avril 2012.

«Notre grève c'est pas l'affaire d'une génération, c'est pas l'affaire d'un printemps. C'est l'affaire d'un peuple.  C'est l'affaire d'un monde.
Notre grève c'est pas un évènement isolé. Notre grève c'est juste un pas, c'est juste une halte, le long d'une route beaucoup plus longue.
Notre grève, elle est déjà victorieuse [...] parce qu'elle nous a permis de voir cette route-là; celle de la résistance.
Il est là le vrai sens de notre grève. 250,000 personnes ça sort pas dans la rue parce que ça ne veut pas payer 1625 dollars de plus.
Il est là le sens de notre grève, dans la durée, dans la poursuite demain de la désobéissance. Nous avons planté ce printemps, les graines d'une révolte qui ne germera peut-être que dans plusieurs années.»
 (Gabriel Nadeau-Dubois, de la CLASSÉ, Coalition large de l'ASSÉ, extrait du discours Nous?, prononcé le 7 avril 2012).

Pour qui sait lire, dans ce discours du 7 avril dernier, le plus connu "porte-parole" de la CLASSE implique que même dans une ère post-Charest (même après le PLQ au pouvoir), la bataille de l'ASSÉ (vaisseau mère de la CLASSÉ) persistera.


Les doubles sens dans le but de tromper et le double langage

Durant les derniers mois, les associations ont aussi abusé des doubles sens et du double langage, pour tromper leurs interlocuteurs et le public.

  • Sortant pour condamner les violences lors des manifestations de Victoriaville qui ont aussi tourné à l'émeute le 4 mai dernier, alors que les policiers de la SQ sur les lignes étaient peu nombreux avant le début des débordements, le principal porte-parole de la CLASSE dénonçait des personnes qui en blessent d'autres volontairement. Certains Québécois (la plupart) pouvaient comprendre qu'il était question des débordements violents de gens masqué et le passage à tabac d'un policier par une partie de la foule. Mais d'autres, dont je suis, comprenaient qu'il voulait dire: des policiers qui usent de force (bâtons cinétique, gaz, matraques au besoin). Les déclarations subséquentes le prouvèrent. 
  • Il y a eu aussi les jongleries du type:  on ne condamne pas la violence parce qu'on n'a pas le mandat de le faire et pour ne pas provoquer les manifestants avec un ton paternaliste. Peu de gens y ont cru vraiment, dans ceux qui ont complété au moins un DEC. C'était un simple déni de responsabilité d'un leader étudiant qui doit consulter pour ceci, mais pas pour lever le poing et inviter au chaos social ou pour menacer, genre: ce gouvernement va être responsable de ce qui va arriver. C'est comme l'alcoolique qui dit que sa femme a mérité des coups, parce qu'elle l'a contredit pendant son ivresse.
  • "Dialoguer" qui est venu à signifier faire bouger l'autre, le gouvernement, sans aucune concession du côté des associations étudiantes (le même discours que les systèmes totalitaires religieux).
  • Dans son discours du 7 avril, Gabriel Nadeau-Dubois parle des camarades de classe, qu'il faut comprendre comme les camarades (au sens de compagnons de luttes syndicale et communiste ou socialiste) de la CLASSE (Coalition large de l'ASSÉ). 
  • La citation de Gaston Miron «... nous serons devenus des bêtes féroces de l'espoir» dans la conclusion de ce même discours du 7 avril doit être prise au sérieux. C'est un AVIS que je donne à la sécurité publique et aux policiers. Ces gens utilisent entre eux un langage métaphorique en apparence mais qui peut prendre le sens tantôt symbolique ou tantôt littéral au besoin.
État policier et loi-matraque vous dîtes? Vite un stage de trois ans dans les pays communistes ou les états islamistes

À leur retour, ils embrasseraient le sol. Le terme "État policier" appliqué au Québec relève du romantisme de bande dessiné, car le droit de manifester est préservé ET l'éducation supérieure du Québec est la plus accessible en Amérique du Nord. Mais le droit de manifester ou d'un boycott n'a pas préséance sur le droit de recevoir une formation / éducation supérieure, qui est aussi un service essentiel (vous prétendez faire la grève, mais ne livrez pas les services essentiels?). Dans les faits c'est un boycott. 

Même surenchère des termes, pour la "loi matraque". Dans les faits, la loi ne sonne pas la fin des pour-parlers (ce qu'a affirmé la ministre de l'Éducation le jeudi 17 mai en disant que "ce n'est pas la fin des haricots"), et la loi encadre plutôt pour protéger et pour préserver les droits des autres aussi. Il n'y a pas de quoi à faire une insurrection dans un des pays de tête pour la qualité de vie et la liberté dans le monde.