dimanche 10 juin 2012

La prospérité n'est pas un mal

La pauvreté n'est pas une vertu (qualité morale). Mais on a le devoir d'aider les vrais dépossédés. J'ai trouvé intéressant l'éditorial de Pierre Paul-Hus, homme d'affaires de Québec, coéditeur du magazine Prestige, dans la livraison de juin 2012. Cela fait ressortir entre autres choses, que les personnes engagées pour changer le monde sur une base régulière, ne sont pas nécessairement celles qui font le plus de bruit et manifestent dans les rues. Ne risque-t-on pas de passer à côté de cette réalité? D'autre part, les scènes à répétition, souvent disgracieuses des dernières semaines, nous ont peut-être aussi fait oublier un autre fait: même avec une casserole dans la rue et un carré rouge à la boutonnière, on peut être complice de l'injustice. 

Voici un bref extrait d'un éditorial signé Pierre Paul-Hus dans le magazine Prestige de juin 2012:
«C’est un fait : nous voulons tous, à des degrés divers, changer le monde dans lequel nous vivons, le rendre plus juste et plus agréable. Cela m’amène à vous parler de la différence fondamentale qui existe, selon moi, entre « s’impliquer » pour une cause et « manifester » pour celle-ci.  Par définition, la manifestation se veut un rassemblement sur la place publique afin d’exprimer un mécontentement. C’est visible et souvent bruyant. Tandis que l’implication découle d’une volonté tout aussi forte de changer les choses, mais elle se fait plus discrète, souvent en coulisse, sans tambour… ni casserole» (1).
J'oserais ajouter, que même, l'engagement peut être moins éphémère, plus efficace et beaucoup plus durable dans le temps.

La prospérité n'est pas un mal

Je crois personnellement (pour le reste du billet c'est mon point de vue) que la prospérité d'une personne ou d'une entreprise n'est ni un péché, ni un mal. Tout dépend de la façon de l'obtenir et ce que l'on fait par la suite avec ce que la Vie nous a donné (bon départ dans la vie, talents, santé, aptitudes à transformer un effort en revenu, ...). Certaines personnes ont un don, une capacité de transformer une idée en projet et de le faire rentabiliser. Réussir en affaires n'est pas un défaut. D'autres personnes ont des idées, souvent des bonnes, mais ne savent pas comment les rendre viables financièrement. C'est une réalité de la vie. Est-ce la faute du premier?

J'ai habité en région durant plusieurs années. J'ai connu des employeurs qui exploitaient certains travailleurs non syndiqués, en leur proposant des engagements piégés, ce qu'ils ne pouvaient faire envers les autres. J'en ai connu qui faisaient de leur mieux, même si le salaire et les conditions qu'ils offraient n'était pas toujours au niveau des responsabilités. Ils étaient confrontés à la nécessité d'être compétitifs ou de faire vivre leur entreprise, à partir de contrats irréguliers, particulièrement en région.

Michel Chartrand (1916-2010),
syndicaliste du Québec (photo
2007).
Mais j'ai connu aussi des employés qui exploitaient (trompaient) leur employeur en lui volant du temps; le temps par exemple, de parler durant une heure sur quatre en l'absence de la direction. Aujourd'hui, dans le contexte postmoderne, pourrait s'ajouter le temps perdu à "texter" ou à naviguer sur le web ou à consulter et alimenter les réseaux sociaux. Combien de fois, certains étés au bureau, je suis arrivé derrière les mêmes étudiants dont le contenu des écrans d'ordi basculait systématiquement à mon passage pour faire disparaître une fenêtre de tchat... ou une page web quelconque, sans lien avec le travail et en dehors du temps de pause. La fourberie, être un "crosseur" pour reprendre l'expression consacrée du dévoué syndicaliste Michel Chartrand, n'est pas exclusive à certains employeurs. Elle appartient tout autant à certains employés. Certains ont volé leur employeur alors qu'ils avaient un très bon salaire et de bonnes conditions de travail.


Certaines familles ont une culture d'entrepreneur. Chez mes proches, j'ai des gens qui sont dans le monde des affaires et qui réussissent plutôt bien. Ils prospèrent, mais ils ont énormément investi de temps dans leurs projets, tôt le matin, les soirs, les samedis. Souvent, avec à peine une ou deux semaines de vacances par année. Moi je trouvais assez de faire mes 40 heures par semaine (bien que par la suite je m'engageais 10 ou 15 heures ou plus d'une autre façon selon mes convictions mais sans salaire). Mais comment pourrais-je les envier de réussir en entreprise? Je les admire plutôt. Ils ont travaillé dur. Ils prennent des risques lorsqu'ils répondent à des appels d'offres dans leur domaine d'activité. Et je regarde la génération suivante et je retrouve le même entrepreneuriat qu'ils ont vu chez les parents et grands parents. Ils se donnent à leurs projets à eux. Ils bâtissent et entretiennent leurs réseaux de partenaires à eux. Ce faisant, leur réussite a un impact sur d'autres, comme de faire tourner l'économie et l'emploi, le développement, contribuer à avoir une plus belle ville en entretenant et rénovant leurs édifices d'entreprise, etc.

Donner à qui en a vraiment besoin

J'ai vu un homme handicapé pleurer, parce qu'il n'avait pas d'argent pour payer la totalité des frais que lui avait coûtés la sépulture de sa femme. À ce même moment, des jeunes adultes refusaient de travailler ou de se former à cette fin. Ces derniers se levaient à midi, fumaient leur petit joint et se demandaient comment le gouvernement pourrait les aider davantage, par un plus gros chèque, par exemple. Ce sont des voleurs qui prennent ce qui devrait aller à ceux qui en ont vraiment besoin. Avec la complicité de plusieurs citoyens.


L'État doit-il compenser toutes les erreurs de tout le monde?

Voici ce que j'aimerais dire. Derrière la pauvreté, se trouve souvent la malchance, les hasards de la vie, les mauvais départs pour plusieurs enfants. Mais très souvent aussi, à la source de la pauvreté, se cachent une mauvaise gestion, l'établissement de mauvaises priorités, des endettements qui constituent des dépenses futiles et non des investissements ou le choix d'une vie dissolue.  L'État doit-il compenser toutes les erreurs ou payer pour les passions de tout le monde? Je ne crois pas. Par exemple, combien de gens se plaindront de ne pas avoir d'économies en vue de leur retraite, mais sans avoir jamais fait d'effort pour mettre de l'argent de côté, avec pourtant un salaire équivalent de ceux qui l'ont fait? Plusieurs auront investi dans des appareils électroniques ou dans des véhicules au-delà de leurs capacité de payer, ou dans certaines futilités de jeunesse (je l'ai moi-même fait à quelques reprises avant la trentaine). 

L'État doit-il encourager le manque de planification? La question se pose certainement. Pensons-y quand nous critiquons nos programmes sociaux. Si seulement seuls les vrais pauvres et les vrais démunis de la vie étaient supportés par les programmes sociaux de notre social-démocratie, ils recevraient davantage. Mais quand on veut supporter tout le monde "égal", sans égard à la réalité personnelle, comme le refus de travailler pour une personne qui en a la capacité (ou de se former à cette fin), on accepte alors collectivement, qu'il y aura de l'injustice. La pauvreté n'est pas une vertu. Même avec une casserole dans la rue et un carré rouge à la boutonnière, on peut être complice de l'injustice par notre silence.

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1.  Pierre Paul-Hus. Sans tambour... ni casserole. Éditorial. Magazine Prestige, juin 2012, p.4
Article version web: http://www.magazineprestige.com/Sans-tambour-ni-casserole.html