jeudi 12 septembre 2013

Laïcité: valeurs québécoises à géométrie variable

LE PIED DE L'ÉTAT DANS LA PORTE ENTREBÂILLÉE - Il semble que si les valeurs québécoises semblent limpides pour le Parti Québécois, elles ne le soient pas également pour tous. J'ai pu lire une chose et son contraire chez divers groupes et intervenants dans les journaux du mercredi 11 septembre: «Cela va trop loin» ET «c'est un début» ET «c'est équilibré» ET «y a-t-il un quelconque problème à régler?» 


(dernière modification, 21 février 2016)
Pourtant, depuis la quasi-élection du défunt parti de l'ADQ en 2007, on aurait cru qu'il y avait comme un consensus. Comment la chose a pu déraper? Les adéquistes de Mario Dumont avaient reçu un appui populaire marqué suite à sa prise de position sur les accommodements raisonnables (ou déraisonnables selon le cas), et sur l'identité québécoise; corde sensible des cousins d'Astérix installés en Amérique du Nord.

Mon point de vue actu (sept. 2013)

Il semble que le projet de charte des valeurs a perdu l'appui populaire en confondant séparation de l'État et de la religion (promue par Jésus de son temps) avec gestion des religions par l'État (promue par les systèmes politiques antichrétiens ou antisémites)


C'est-à-dire, comme dans les dérapages politiques antichrétiens et anticléricaux en Europe du 20e siècle qui ont conduit à la violence commanditée par les États, violence qui après s'être attaquée aux religions s'est étendue aux positions politiques adverses (censure, fermeture de médias, non-accès aux ou retrait des professions libérales, ...)

Avez-vous déjà eu cette pensée, face à un colporteur qui a mis son pied dans l'entrebâillement de la porte: «pourquoi ai-je ouvert la porte à un inconnu?» C'est ce feeling que je ressens, face à certaines tangentes actuelles dans l'histoire de la Charte version PQ. J'ai cherché le texte des grands points de la proposition, un texte clair sur lequel se prononcer, mais je n'ai trouvé encore que des principes en évolution. En fait, la véritable consultation, aurait lieu lors du dépôt d'un projet de loi sur la laïcité ou les valeurs... (de la Charte en version bêta). Souvent, cela veut dire trop tard, dans les autres débats sur les enjeux sociaux des 30 dernières années. De toute façon, lors des consultations, les questions orientent les réponses. Et quand la réponse du peuple n'est pas ce que l'on attend de lui, on fait affaire avec des consultants spécialistes pour lui dire poliment qu'il est ignorant. Donc, pour moi, sur cette base, pas question de signer un chèque en blanc.

La plus grande étrangeté à mon sens : les élus pouvant porter un signe ostensible (que l'on désire montrer, qui est manifeste) ou clairement visible ou ostentatoire (fait avec ostentation, étalage, mise en valeur excessive)  et le fonctionnaire du bureau b36-2 du deuxième sous-sol, près de la porte de sortie du stationnement souterrain, qui sera contraint à mettre son turban dans la boîte à lunch entre 8 heures et 16 heures. Contradiction clairement indéfendable (...) C'est 2 prises (2 strikes!) en partant pour le frappeur du baseball politique de l'équipe arborant le logo PQ; le ministre Bernard DRAINVILLE.

Mais il y a aussi une possible différence majeure entre une Charte de la laïcité et une Charte des valeurs québécoises. Dieu sait jusqu'où l'imagination d'un gouvernement pourrait aller contre les religions et croyances.

Mon premier jet sur les 5 grandes propositions de la charte québécoise des valeurs, version PQ 2013


«MODIFIER LA CHARTE QUÉBÉCOISE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE»  


C'est le point le plus sensible. Le diable est dans les détails, dit le dicton, et l'égalité et la non-discrimination sont déjà encadrées par nos chartes aux deux niveaux, Québec et Canada. Pourquoi vouloir aller au-delà de ces principes, sinon pour vouloir introduire de nouveaux éléments au droit. Ceux qui savent tripoter les textes pour une possible approche étapiste sauront où mettre des virgules et pour les choix des mots (néologismes auxquels nous ont habitué les réformes et consultations), pour permettre un deuxième sens, et même un troisième niveau possible, je peux vous l'assurer. Un exercice très dangereux et sensible dont on ne saurait surestimer la portée. Pourrait-on par exemple discriminer le christianisme qui ne se cache pas de toucher la sphère religieuse et en même temps, favoriser certaines croyances qui ont le vent dans les voiles (bouddhisme, ésotérisme, animisme amérindien, chamanisme)? LIRE à ce sujet mon dossier (un essai en ligne) traitant des religions et spiritualités dans les institutions québécoises, proches de l' antichristianisme OU devrait-on dire, sur le lobby antichrétien très actif au Québec: Le consensus antichrétien dans les institutions publiques du Québec, (publication originale le 13 mars 2011)

«ÉNONCER UN DEVOIR DE RÉSERVE ET DE NEUTRALITÉ POUR LE PERSONNEL DE L’ÉTAT»  


On ne peut pas être contre la vertu, mais c'est ici que se trouve une autre pelure de banane ou piège pour la société québécoise.

Le risque de dérapage répressif est plus qu'une hypothèse


Certains états au 20e siècle ont franchi le pas entre la laïcité (neutralité et non ingérence de l'État dans les religions et croyances) et le laïcisme (gestion des croyances par l'État et non-accès à l'État et aux professions pour les croyants de religions ciblées). La religion uniquement dans le placard et dans les lieux de culte, c'est la tendance de Martineau et sa chronique Franc-parler, comme c'est le cas sur des plateaux télévisés comme Les Francs-tireurs actuels et avant 2013, à Téléquébec, le terme «Franc» ressemble un peu au terme «Franc» comme dans loges maçonniques et Franc-maçonnerie (phénomène d'influence politique parallèle bien connu et enquêté en France, mais dans l'ombre ici).

«ENCADRER LE PORT DES SIGNES RELIGIEUX OSTENTATOIRES»  


Ici, il y a distinction entre visible que l'on veut montrer, rendre visible (ostensible) et fait avec ostentation ou étalage; une mise en valeur excessive (= ostensatoire). Certains médias alternent comme si les termes étaient équivalents.

«RENDRE OBLIGATOIRE LE VISAGE À DÉCOUVERT LORSQU’ON DONNE OU REÇOIT UN SERVICE DE L’ÉTAT» 


Cela va de soi, surtout dans un quasi-socialisme où les services publiques sont subventionnés et exigent l'identification du bénéficiaire ou client qui reçoit un service. Au moins pour valider que la personne qui reçoit les services est bien celle qu'elle prétend être. La langue des services devrait être abordée. Actuellement, certains centres urbains prennent le risque de fournir des interprètes et ce serait au client de fournir son interprète et à assumer la responsabilité en cas d'erreur de compréhension.

Mais pourquoi alors, les députés, ministres et autres élus. pourraient-ils continuer de porter un turban? Ne rendent-ils pas un service public? 

«ÉTABLIR UNE POLITIQUE DE MISE EN ŒUVRE POUR LES ORGANISMES DE L’ÉTAT»


Tout un chantier! Cela touche aussi les lois qui régissent les entreprises et employeurs (définir les accommodements acceptables, les congés, etc.). L'État n'est même pas en mesure actuellement de savoir reconnaître une religion philosophique avec rite initiatique qui procède par une approche par nombreux degrés ou étapes (ex. via les techniques de méditation, premier niveau plus difficilement identifiable comme une technique hindoue ou bouddhiste, par exemple, mais clairement spirituel et aux frais de l'État). Des pratiques semblables ont cours dans nos écoles publiques, dans les environnements de travail des fonctionnaires, sous prétexte de la "santé". Le milieu de la psychiatrie et de la psychologie en sont remplis. Considérez par exemple les commanditaires de magazines de psychologie et de mode de vie.

Aussi, un chrétien ne pourrait pas porter un chandail avec l'imprimé d'une croix à l'endroit et un texte comme «Il l'a fait pour toi», mais un antichrétien ou même un sataniste avoué ou fictif (fan de rock) pourraient arborer un T-shirt la croix à l'envers (tête en bas) avec un message offensant pour les chrétiens qui le comprennent ou décodent. Et comme disait Lise Ravary, chroniqueuse au Journal de Montréal et invitée à certaines antennes (radios): comment fera-t-on la différence entre la barbe du gars qui la porte pour l'esthétique et la barbe portée comme signe religieux de l'activiste islamiste du Pakistan ou de l'Afghanistan?

Bref,

Non, à ce stade, la Charte des valeurs OU de la laïcité ou du laïcisme (on ne sait pas)? (1) n'a pas fait la preuve de sa nécessité et le fait que certains comprennent l'exercice comme un début modeste, a de quoi inquiéter. Surtout que le gouvernement, minoritaire ayant besoin de l'opposition pour adopter l'éventuelle loi, se sait les mains liées et doit faire un pacte avec des adversaires politiques. Par exemple, protéger les enfants (mots du ministre parrainant le projet) pourrait aller aussi loin dans une future phase 2 (étape 2)  ou une phase 3, que le fait d'interdire la transmission de la foi entre les parents et leurs enfants avant l'âge de 16 ans. Le plus important et risqué, c'est le tripotage de la charte des droits par d'habiles juristes avec des idéologies et philosophies bien à eux, cette élite qui survit aux élections, et qui prévoirait les phases 2 et 3 pouvant aller jusqu'à la gestion de la religion et des croyances par l'État et le non-accès des croyants de religions ciblées, à des professions libérales. Pour être franc, c'est non pour moi. Je ne prévois pas marier le projet qui a partiellement retiré son voile pour ne laisser voir que les yeux et le nez de la charte en chaleur. J'aurais peur de me réveiller avec un petit bout manquant, dans l'état actuel de la connaissance de la prétendante...

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1.  Nestor TURCOTTE, Point de vue : Il ne faut pas confondre laïcité et laïcisme. Le Soleil. 20 mars 2011.
NOTE : Nestor TURCOTTE est un enseignant de philosophie retraité.