vendredi 15 novembre 2013

Meutrier Guy Turcotte, pardon ou justice?

Richard Martineau, chroniqueur à une émission matinale d'une radio privée de Québec, le 14 novembre 2013, affirmait que l'échec du premier procès de Guy Turcotte, le chirurgien qui a tué ses deux enfants, provenait des racines catholiques québécoises des jurés et de la société. Il faut vraiment avoir raté 50 ans d'histoire du Québec, au moins (ne pas avoir compris), pour faire de telles déclarations sans fondement.

Premièrement, je lui rappellerai que quand une version du catholicisme au Québec, et du protestantisme traditionnel (hors Québec) étaient à leur apogée, la peine de mort pour les cas comme Guy Turcotte était pratiquée au Canada.
La notion de «pardon», telle qu'elle est véhiculée et comprise présentement par plusieurs Québécois, ne puise plus ses racines dans le christianisme, quel que soit le courant, mais se trouve
  • dans les dernières tendances d'une branche bien nourrie (grasse et reluisante tellement sa peau est tendue) de la psychologie récupérant un vocabulaire et des notions qui ont existé des millénaires avant cette «science» malléable
  • et dans les philosophies qui remplacent l'influence du christianisme dans la société et dans le droit. 
Vous l'aviez manqué? Voici à quoi cela se résume

Influence de la psychologie

Le crime n'est plus perçu comme une contorsion ou une torsion dont un individu est en partie responsable par ses choix (point de vue chrétien), mais tend à être vu et justifié comme une maladie (point de vue très influent d'une école de pensée de la psychologie). C'est ici qu'intervient une notion de pardon déconnecté des fondements communs du christianisme. De ce point de vue psychologique, un homme qui tue ou qui agresse, serait donc un homme malade et non un homme mauvais et responsable. Il devient donc une victime. Et l'on tente donc, dans la vie de chaque criminel, de justifier ses actes en accentuant sur les causes qui ont mené à l'acte, plutôt que sur les choix personnels (responsabilisation conforme au christianisme).

Il y a quelques décennies, face à un homicide, nous disions faire face à un criminel. Aujourd'hui nous disons que celui qui commet un crime grave est un malade.

Dans la foi chrétienne, le pardon est conditionnel à la reconnaissance de ma propre responsabilité dans mes fautes personnelles; appelez ces fautes comme vous voulez.

Influence de la philosophie

Selon une philosophie de plus en plus véhiculée notamment via le Nouvel âge (New Age), le mal et le bien se compléteraient et s'équilibreraient en quelque sorte, comme le + et le (-) en électricité et électromagnétisme, ou comme le principes féminin et masculin de l'univers. Donc, un individu mauvais n'est pas directement responsable de son état. Cela pourrait arriver à chacun de nous.

Selon le point de vue matérialiste (matérialiste au sens du rejet de la transcendance ou de la divinité), la solution est toujours entièrement humaine, par la capacité humaine, par la chimie du cerveau. Selon cette vision matérialiste du monde, instruisez les personnes et vous viderez les prisons. Cette croyance en prend un coup au Québec comme ailleurs, quand on regarde ici les irrégularités dans les contrats publics en génie et construction, le détournement de fonds dans le syndicalisme lié à la fraude dans certaines villes et les scandales financiers, le finances, etc. Quand une contradiction arrive, comme celle d'un chirurgien (très instruit) qui tue ses deux bambins, alors la cause doit être expliquée autrement. On rejoint souvent ici la psychologie considérée comme une science exacte: l'homme doit être malade, dit-on.

J'ai traité ce cas du pardon selon les jurés choisis pour les procès au Québec dans un précédent article du 18 mars 2012: 

Psychiatrie et Guy Turcotte : diagnostic à la carte


Voici l'extrait qui concerne le pardon, la justice, la compassion, la responsabilité...

«La confusion des mots comme pardon, justice, compassion
«Le droit nouveau a un lien direct avec la perte de référence et la perte de sens. Durant le procès de Turcotte, on a entendu à outrance, la référence aux termes pardon et compassion. Dans ce genre de causes, comme aussi pour d'autres cas médiatisés à l'extérieur du Québec, on a un point commun, par exemple avec Bertrand Cantat, meurtrier et amant de l'actrice, Marie Trintignant  (peine de huit ans, temps purgé 4 ans), ou Roman Polanski, présumé coupable d'agression sexuelle contre une mineur, lorsqu'il était au début de la quarantaine, et dont il a fui les procédures judiciaires des États-Unis en se réfugiant en France, pays complice de ce genre de comportements (il n'a pas subi de procès ni de conséquences judiciaires).
La France et le Québec emploient un vocabulaire chrétien en distorsion et en perte de sens ou totale déconnexion d'avec le contexte chrétien. On a perdu la source de ces mots chargés de sens, et ces concepts chrétiens, comme pour le reste, ont été récupérés par le New age (ésotérisme) et maintenant, par l'action politique et sociale. Comme les "anges" du New age n'ont plus de lien avec ceux des visions décrites dans la Bible, le reste du vocabulaire chrétien a aussi été récupéré et modifié. Serait-ce là la marque d'une société dans laquelle on aurait beaucoup plus de crimes non révélés que ce qu'il ne paraît?

«Le pardon

«Le pardon au sens chrétien tel que trouvé dans les évangiles, à distinguer du christianisme politique du Moyen Âge et d'une certaine période du Québec (3), c'est passer l'éponge sur la faute de quelqu'un; la remettre, l'effacer, l'engloutir, la jeter dans la direction opposée le plus loin possible de nous. Mais le pardon n'enlève pas la mémoire, il enlève les mauvais sentiments, la hargne, la haine, le désir de vengeance, etc. Et pour le fautif, il peut alléger le poids de la faute. Mais le pardon n'enlève pas toutes les conséquences. Dans le cas présent, les enfants restent privés de leur droit à la vie.
«Ce sont les personnes blessées ou offensées qui peuvent pardonner. Par exemple, votre voisin vole la tondeuse à gazon de son autre voisin et la vend à "Argent Comptant". Vous ne pouvez pas pardonner votre voisin, car ce n'est pas vous qu'il a offensé. Ce n'est pas en votre pouvoir. Si vous le faites, ce ne sera que symbolique ou par la bande (ex. si vous avez donné de bonne références à son sujet). C'est son voisin offensé (la victime) qui a ce pouvoir (4).

«La justice

«Le pardon n'est pas l'affaire des jurés dans un procès. Des victimes peuvent pardonner un criminel pour le soulager d'un poids ou pour se soulager elles-mêmes, mais cela ne veut pas dire que le criminel n'aura pas à faire face à ses responsabilités de vie en société et éventuellement même, à aller en prison (justice rétributive ou rétribution, protection de la vie des autres et de leur droit à la sécurité). Le rôle d'un jury qui étudie une affaire présumée criminelle n'est pas de pardonner, mais de juger selon un critère de justice. La personne est-elle, ou non, coupable, et à quel degré? En prononçant une décision sur la base du pardon, un jury se placerait en position de juge. Un jury ne peut pas dire: je ne veux pas qu'il aille en prison, donc je suis obligé de dire qu'il n'est pas coupable. Si le verdict appartient aux jurés, la sentence appartient au juge. Le jury doit conclure : coupable ou non coupable, et à quel degré, etc. Par la suite, le juge applique le droit avec plus ou moins de sévérité selon les circonstances: première offense ou non, gravité du crime, repentir démontré et regrets évidents, prise de conscience ou non de la faute, perspectives de réhabilitation en fonction de «l'historique et de l'attitude personnels, etc.
«La justice a aussi un aspect de rétribution impliquant pénalité et réparation ou compensation de ce qui peut l'être. Sinon, toute la confiance au système de justice s'écroule. La répression du crime n'est pas une vengeance, mais une soupape de contrôle sociale. Si un gouvernement cesse de faire justice, celle-ci se déplacera vite dans la rue, mais d'une façon distordue et arbitraire; le lynchage connu ailleurs, les règlements de comptes, les contrats, les guerres entre familles, etc..  

«L'équité

«Justice et équité vont de paire. Toute véritable justice n'a pas égard à l'apparence et au statut de la personne.   Peut-être que si Turcotte n'avait pas été cardiologue, et qu'il avait été un gars du câble, on aurait dit que c'est un bas criminel. Peut-être que si Cantat et Polanski n'étaient pas réputés dans le domaine des arts, on ne demanderait pas un traitement (réhabilitation) par la voie express pour eux. On peut se poser la question. Imaginez que vous ayez deux enfants adolescents, dont un serait votre préféré. Les deux commettent un même méfait (ex. vol dans un commerce) à une semaine d'intervalle. Vous ne reprenez pas le premier, mais la semaine suivante, vous pénalisez sévèrement le second. Ce ne serait pas équitable. Une famille ou une société qui agirait ainsi se retrouverait vite dans le chaos.  Le cardiologue doit passer par le même processus qu'un gars du câble ou qu'un sans travail dysfonctionnel.

«La compassion

La compassion, c'est être concerné et touché par la situation d'une autre personne, au point d'intervenir pour en alléger la souffrance, qu'elle le mérite ou non. La compassion envers un meurtrier avéré, c'est de le protéger, de s'assurer qu'il ait accès à un procès équitable avec des témoignages vérifiés, etc. C'est aussi de lui donner des conditions de détention humaines, ou d'être soigné correctement dans un institut psychiatrique avec la contrainte humaine nécessaire, mais pas au-delà, etc.

«Il a payé sa dette»

«Le déni (renier la gravité ou la responsabilité de ses actes) ne mène JAMAIS à la restauration. Le changement de comportement passe toujours par une acceptation (prise de conscience) de ce qui a été fait comme crime. Avoir eu une mauvaise maman ne suffit pas. Les enfants d'une même mère prennent des tangentes différentes. On entend souvent dire aussi que le coupable a «payé sa dette» à la société. Si un pharmacien a volé la pharmacie pour se droguer et fait un séjour en prison, cela voudrait-il dire que s'il a "payé sa dette" au sens juridique du temps de privation de sa liberté et de réinsertion, il pourrait automatiquement retourner pratiquer dans sa discipline. C'est comme nommer gérant d'une SAQ (Société d'État pour la vente d'alcool au Québec), un alcoolique qui a cessé de consommer. Un entraîneur auprès de juniors en gymnastique ou en patinage artistique ou en judo ou karaté, qui a abusé de jeunes filles sous sa garde peut-il retourner pratiquer auprès des jeunes filles ou même de garçons mineurs? S'il a «payé sa dette»? Le cas d'un père, professionnel de la santé, qui a tué ses deux bambins impose une sérieuse remise en question, sur les nouvelles valeurs québécoises (ou absence de...).  » 
(fin de l'extrait)