jeudi 6 février 2014

La soif de mourir, dans la dynamique québécoise

L'auteure et chroniqueuse québécoise, Denise BOMBARDIER, réfléchit sur le haut taux de suicide chez les hommes du Québec (80% des suicidés ou 8 hommes par 10 suicidés! OU 2 femmes pour 8 hommes) et sur la mort comme valeur distincte au Québec, par rapport au reste du Canada.

L'on peut effectivement finir par s'interroger, comme culture, lorsqu'on est le seul peuple à toujours avoir le bon pas, donc être «le plus meilleur du monde» en chaque valeur chérie. Un peu d'humilité devrait au moins nous porter à réflexion.

Denise Bombardier lors du Salon international du livre de Québec 2012
Denise BOMBARDIER écrit:
«...que penser du fait que le seul projet de loi qui fasse quasi-consensus au Québec porte sur la fin de vie alors que tous les projets de loi sur la vie provoquent des débats houleux qui nous déchirent? Le poids d’une culture de la mort pèserait-il sur nous?» (1)
Mon commentaire

Un sondage Ipsos Marketing mené du 18 au 20 sept. 2013 a déjà démontré (2) que la majorité des Québécois comprenaient l'«aide médicale à mourir», comme étant le non-acharnement thérapeutique; ne pas s'acharner à garder quelqu'un en vie. Par exemple, pourquoi s'acharner à réanimer pendant 5 minutes une personne de 75 ans qui subit un sévère arrêt cardiaque avec tous les risques inhérents (exemple des dommages permanents au cerveau)? POURTANT, à l'inverse, l'expression «aide médicale à mourir» (3) masque en réalité la froideur de l'acte d'un «soignant» qui provoque la mort directement, par exemple par une injection létale. Il ne s'agit plus d'utiliser la connaissance médicale pour soulager la douleur ou provoquer un coma dans une période transitoire vers la mort. Il s'agit d'abréger une vie qui dérange, qui pèse, qui nous fait peur, qui est un miroir de notre vulnérabilité que nous ne désirons plus voir. Comme on fait diminuer les taux de criminalité en adoucissant les lois, on élimine la mort en la cachant. Ce sont les valeurs nouvelles.

La dépendance d'un être affaibli, par rapport au soutien de cette société à qui il a donné toute sa vie, est véhiculée par le projet de loi comme une partie indigne de la vie. C'est ce qu'a imposé, dès le début, la thématique tordue des consultations sur le thème de «mourir dans la dignité». Et l'on apprend par les débats qui ont eu cours au sein même de la commission, que pour des commissaires ayant dirigé les consultations, l'expression «fin de vie» pouvait correspondre à une très longue période, même sans douleur physique. Autrement dit, l'on pourrait faire cesser la vie des années avant la fin de vie telle que perçue jusqu'à maintenant. Il suffira de changer la loi progressivement. De là, intervient le suicide assisté. Car il ne s'agit plus alors de débrancher une personne maintenue en vie artificiellement trop longtemps (acharnement), car dans bien des cas, le malade ne meurt pas de lui-même. Il s'agit de couper le fil de la vie.

Le concept de fin de vie, selon certains membres de la commission, pourrait s'appliquer, au fil des ans de pratique, à une mort sociale (ex. maladie mentale,...) ou encore à une diminution de la qualité de vie  (ex. dépression profonde, handicap ou perte d'une fonction, ...). Peu de pays ou d'États sont allés aussi loin que d'implanter l'euthanasie, et cela donne froid dans le dos, sur les forces au pouvoir, quelque soit le parti politique élu.

Il faut en effet se demander à partir de quel moment, dans la culture québécoise, le désir de vaincre, de se battre et de gagner s'est transformé en ce que Madame BOMBARDIER décrit dans son texte, comme «le désir de disparaître».

LIRE AUSSI:
«Aide médicale à mourir» au Québec: le quiproquo planifié 
LES MÉDECINS ANGES DE LA MORT DE L'ÉTAT? (8 février 2014)

__________________
1.  Denise BOMBARDIER. Le Journal de Québec. L'option mortelle. 5 février 2014.

2.  Ipsos Marketing. Sondage auprès de la population canadienne sur la problématique des soins de fin de vie. (ficher PDF). Septembre 2013
Le sondage Ipsos Marketing a fait ressortir (18 au 20 sept. 2013) que la majorité des Québécois comprenaient l'«aide médicale à mourir», comme
--> «...soulager sans prolonger la vie ni l'abréger...» (29%) 
--> OU «Arrêter, à la demande du patient, des traitements disproportionnés ou des moyens artificiels de prolonger la vie [...] pour un patient atteint d’une maladie irréversible très avancée ou à un stade terminal» (22%).
          Bref, pour la compréhension de 51% des Québécois (1 personne sur 2), il NE s'agit PAS de provoquer la mort directement, alors que là est pourtant bien le sens. Les autres Québécois consultés l'ont compris dans ce sens réel de la mort en direct; répartis comme suit : 
--> un sur trois (33%), qu'il s'agit de provoquer la mort par un acte du médecin
--> ET ceux qui restent, y voyaient le sens de suicide assisté où le patient est aidé à se donner la mort (16%)
POURTANT, l'expression «aide médicale à mourir» désigne bien l'acte qui provoque la mort directement, par exemple par une injection létale. Il ne s'agit plus d'utiliser la connaissance médicale pour soulager la douleur ou provoquer un coma artificiel pour une période transitoire vers la mort. Il s'agit d'abréger une vie qui dérange, qui pèse sur la société, qui nous fait peur, qui est un miroir de notre vulnérabilité que nous ne désirons plus voir. 
         Cette méprise sur le sens des mots était planifié dès le début. Il ne s'agit pas d'un échec des communications, mais d'un plan visant la confusion atteinte. Cela démontre avec quelle indignité, manque de respect pour le peuple, ce projet a été mené en coulisses.

3.  Expression créée aux fins des consultations, par les faiseurs d'images qui changent la mort en vie et autres créateurs de valeurs nouvelles à imposer.